C.J. Box: Quand souffle le vent de l’Ouest

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Le mal, C. J. Box l'affronte les yeux dans les yeux. Cette saison, les fidèles de l'écrivain à succès du Wyoming reviendront avec délices à l'univers dur et grandiose de l'Ouest américain et aux valeurs viriles du héros de sa principale série de romans policiers, le garde-chasse Joe Pickett. Au gré de ses enquêtes, ce personnage fort et sensé fuit la rectitude politique au cœur des montagnes.

Le huitième roman de la série des Joe Pickett, publié en français aux éditions du Seuil, nous arrive sous un titre très prometteur: Le Prédateur. Dans cette haletante partie de chasse, Pickett doit déjouer un tueur qui cible, littéralement, les chasseurs de gros gibiers. Au fil des pages, le meurtrier jonche la campagne du Wyoming de cadavres horriblement mutilés. Les mouvements écologistes opposés à la chasse sont-ils derrière les meurtres ou ne font-ils qu’utiliser ce tueur sans visage à des fins militantes?

L’homme de l’Ouest
En entrevue avec le libraire, l’auteur, très affable, consent que sa propre existence sur un grand domaine au cœur de la beauté sauvage du Wyoming ressemble par certains aspects à celle de son garde-chasse. Cependant, beaucoup les sépare: «Je vois plutôt Joe Pickett comme un archétype, celui de l’homme de l’Ouest américain. Un type cohérent et solide, et qui ne sort de l’ordinaire que par sa détermination à débusquer la vérité.»

«Joe Pickett, poursuit l’écrivain, est loin d’être infaillible et n’a guère d’éclat. Il aime sa femme et ses filles [C. J. Box a lui aussi deux filles], ainsi que son travail. Ses activités et son obsession le mènent en des zones de danger et d’inconfort. En fait, Joe Pickett ressemble à beaucoup d’hommes de l’Ouest que je connais. Pour Joe et les siens, la nature est une présence constante. Ici, on ne parle pas de la nature de Bambi, bien entendu, mais d’une nature sans moralité ni sentiment, qui peut être à la fois grandiose et cruelle». Le genre d’univers qui, selon les dires de l’auteur, est vital pour rappeler aux êtres humains qu’ils sont mortels et pour tempérer leurs egos. En effet, Box soutient également que pour survivre dans ce contexte, il faut un caractère bien trempé, un système de valeurs solides et une approche sensée de l’existence.

Dans son roman, l’auteur s’attaque à la délicate question du bien-fondé de la chasse et des excès des militants écologistes: «Il m’aura fallu huit romans pour en arriver à prendre à bras le corps le sujet de la chasse aux gros animaux. J’ai voulu présenter une vision équilibrée et laisser au lecteur le choix de prendre position. Dans ce livre, la chasse est montrée sous ses différents visages, car elle peut se révéler autant un sport de haute technologie qu’un moyen d’entrer vraiment en contact avec la nature. La première approche est odieuse, à mon sens, mais la deuxième est en quelque sorte spirituelle et naturelle. Je veux aussi montrer que certains défenseurs de la cause animale semblent haïr la race humaine.»

L’évolution d’un héros
Pickett a apporté le succès à son «papa», et lui a valu bien des prix littéraires. Le héros a également évolué, répondant ainsi subtilement à certains critiques qui jugent que ses livres se ressemblent tous un peu: «Dans mes deux premiers ouvrages, Pickett est en apprentissage, il apprivoise son nouveau travail et apprend à évaluer comment il se situe dans ce monde. Il croit encore au système et a foi en ses supérieurs. Puis il apprend la trahison et le machiavélisme, la politicaillerie. Au fil du temps, il se forge une carapace et perd de sa naïveté.»

L’écrivain aime particulièrement la description que le New York Times a faite de son héros, dont les tribulations figurent parmi les plus appréciées des lecteurs: «Un homme qui n’a rien de remarquable, sauf la capacité de penser par lui-même et son honnêteté», y lisait-on. Un archétype bien américain, on le voit, celui de l’individu intègre, en phase avec la nature et dressé en seul rempart contre le mal.

L’État, ce tyran
L’Amérique profonde se révèle également dans le portrait que C. J. Box trace des rapports entre les citoyens et le gouvernement. Des liens complexes, dont la lourdeur exaspère parfois les protagonistes, Joe Pickett le premier. L’auteur nuance: «Dans mes livres, l’État n’est pas forcément une force négative, mais il a le pouvoir inhérent de faire du mal aux citoyens et de leur prendre leur liberté.» Il illustre son propos en expliquant que dans les montagnes de l’Ouest, le gouvernement fédéral est propriétaire de plus de la moitié des territoires: «Nous avons donc une kyrielle de bureaucrates qui gèrent nos
montagnes. Tous ne sont pas bien intentionnés ou efficaces. Et les hommes de l’Ouest, très indépendants et rudes, se heurtent sans cesse aux agents de la bureaucratie: ce conflit occupe une place prépondérante dans mes livres. Après tout, Joe Pickett travaille pour l’État du Wyoming!»

Celui qui a eu plusieurs vies avant de devenir écrivain au tournant de la quarantaine (il a exercé le métier de journaliste et de garde-chasse) est devenu un stakhanoviste de l’écriture. Il publie bon an mal an deux livres et s’adonne à sa passion dans son ranch: «J’aime écrire. Il m’a fallu attendre d’avoir 40 ans pour être publié. Aujourd’hui, je me sens pousser des ailes.» Il se donne comme objectif de base de produire 1 000 mots par jour, essentiel­lement le matin: «Mais je peux très bien coucher sur papier 3 000 ou 4 000 mots par jour; le matin j’écris, l’après-midi je révise.»

Fidèle à lui-même, C. J. Box publiera l’an prochain deux nouveaux romans aux États-Unis: Cold Wind, le 11e Joe Pickett, qui sera disponible en anglais en mars, et Back of Beyond, un thriller autonome, qui sortira en août. «L’année s’annonce chargée!», s’exclame C. J. Box en guise de conclusion.

Bibliographie :
LE PRÉDATEUR, Seuil, 310 p. | 34,95$

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