Rogé : L’artiste qui voyait le monde autrement

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C’est après avoir été directeur artistique dans des agences de publicité de renom que Rogé décide de se lancer dans l’illustration. Choix judicieux, puisque depuis bientôt quinze ans, cet artiste cumule les éloges et son travail ne cesse de s’imprégner dans notre imaginaire collectif. Ses œuvres voyagent à travers le monde et y récoltent de nombreux prix, tant ici qu’aux États-Unis, en Allemagne, en France ou en Corée. Tantôt vivifiantes, tantôt apaisantes, ses illustrations relèvent le difficile pari de plaire autant aux enfants qu’aux adultes, d’émouvoir autant que de faire rire. Celui qui signe la couverture de la présente revue a accepté de nous en dévoiler davantage sur lui.   

Vos dessins expriment une certaine vision du monde – des enfants d’Hochelaga, de Mingan, l’imaginaire de l’enfance – comme si vous arriviez à trouver de la douceur là où souvent les gens oublient de poser les yeux. Est-ce selon vous le rôle de l’artiste?

J’ai le sentiment que notre attention est davantage dirigée vers notre côté rationnel, celui qui orchestre nos pensées quotidiennes. Nous laissons très peu d’espace pour nous connecter à notre inconscient et à notre instinct. On est plutôt enseveli par 

l’accumulation d’information, par les choix à prendre ou par la gestion de notre temps, qui file toujours trop vite… Je pense que mon rôle est de contrebalancer cet état pour bousculer notre quotidien. L’art et la poésie ont cette force et il faut s’en nourrir.

Malgré des milieux de vie parfois difficiles, on sent cette beauté et une grande douceur chez les enfants de Mingan, d’Haïti et d’Hochelaga. J’aime qu’on porte notre regard sur eux lorsqu’ils évoquent leur symbiose avec la nature, leurs liens qui les unissent à leurs ancêtres. Leur voix parle de valeurs et leur regard projette de la force et de l’espoir.

Écrire une histoire, dessiner une histoire. Quelle est selon vous la différence entre les deux? 
Étant donné que l’écriture des albums est généralement faite avant les illustrations, la différence est majeure, car l’auteur est face à une page blanche pour créer, tandis que l’illustrateur a la contrainte de créer à partir d’un univers déjà existant. Aussi la musicalité des mots et le rythme des phrases viennent alimenter l’écriture d’une tout autre façon que dans le cas de l’illustration. Cette dernière est plutôt influencée par la forme, les cadrages, les textures et les couleurs. Mais dans les deux cas, l’histoire naît à travers nos observations, nos expériences et nos souvenirs.

Choisir d’être illustrateur ou auteur de livre jeunesse est un défi de taille. Qu’est-ce qui vous pousse à continuer dans cette voie?
Je vois ma fille qui éprouve un bonheur immense à plonger dans les livres illustrés. Cet émerveillement chez les enfants est fantastique et contamine mon désir de créer. Aussi c’est un rôle que je me plais à porter, car je sais à quel point les livres sont importants pour le développement et l’imaginaire des enfants.

Sur quel projet travaillez-vous actuellement?
Je travaille présentement avec des classes d’accueil pour préparer un quatrième album de poésie écrit par des jeunes immigrants.

Photo : © Nigel Quinn

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