Henriette Major : Trois fois passera

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Alors que 100 comptines figure toujours parmi les livres préférés des bambins (et des parents aussi !), Henriette Major récidive avec une suite intitulée Chansons drôles, chansons folles, ainsi qu'une anthologie de poésie québécoise destinée aux enfants. Véritable figure de proue de la littérature jeunesse d'ici, Major multiplie les (bons) coups, jongle avec le succès, la tête pleine d'idées. Propos et réflexions de celle que tout le monde voudrait recevoir à Noël.

Parlons de la genèse du livre. Était-ce un projet qui mijotait depuis longtemps?

Cette idée a germé au moment où je collaborais à la rédaction de manuels scolaires, travail que j’ai fait pendant une quinzaine d’années. Nous avions à choisir des thèmes pour la fin de chacun des chapitres mais on m’a alors reproché de proposer plus d’auteurs français que québécois. À cette époque, je n’avais pas de temps pour la recherche car le rythme de la production était infernal et les échéances étaient très serrées. Je consultais donc les anthologies françaises et je trouvais quelquefois des écrivains d’ici, mais je me suis vite rendue compte que ce genre de recueil manquait et que les enfants aiment les poèmes. Lors des visites dans les écoles en tant qu’auteur, j’interrogeais les enfants sur le contenu du manuel auquel j’avais collaboré et ils répondaient, unanimement :  » les poèmes « .

Mais qu’est-ce qui attire les enfants dans la poésie? Le rythme du poème, les images naissantes?

Oui, tout cela : le rythme, les images, la musique des mots. Ils y sont très sensibles. afin de réaliser mes propres projets, j’ai pris en 1995 une sorte de retraite. C’est-à-dire que j’ai décidé de ne plus accepter de contrats. Terminé les échéances et les équipes de travail. Après en avoir discuté avec un éditeur, nous avons sollicité des textes inédits d’auteurs et le résultat était insuffisant. Pendant un an, j’ai donc effectué un travail de recherche énorme dans les bibliothèques, les libraires et les catalogues d’éditeur pour accumuler assez de contenu pour le manuscrit. Des cent cinquante poèmes du départ, il a toutefois fallu faire une sélection.

Vos critères de sélection étaient assez sévères. Quels étaient-ils?

Grâce à mon expérience de le domaine scolaire, je les connaissais déjà. Le vocabulaire doit être compréhensible pour les enfants. Les thèmes doivent être adaptés à leurs intérêts, par exemple le jeu. J’ai aussi voulu briser l’idée reçue que poésie égale rimette. Dans mon anthologie, on compte plusieurs poèmes sans rimes. Ce qui explique que mon anthologie comporte des textes très différents les uns des autres. Par contre, ils ont tous un point commun : un certain regard sur le monde qui se traduit par les mots d’enfants qui sont, en fait, des amorces de poèmes. Ce qui me fait penser que les poètes sont des gens capables de faire abstraction de leur éducation et d’avoir, comme les enfants, une vision neuve du monde.

La poésie est-elle un genre à promouvoir à l’école primaire, en tant qu’exercice stimulant et bénéfique?

Oui, sûrement. J’ai donné des ateliers où je disais aux jeunes qu’un poème ne s’écrit pas froidement. Il faut ressourcer leur imaginaire, les mettre en situation. Par des approches différentes, j’essaie de les attirer : les calligrammes et les poèmes-collage, qui marient les mots et le bricolage, sont deux façons d’écrire que je propose dans mon livre.

Écrivaine reconnue, vous connaissez à présent un énorme succès avec vos trois anthologies parues ces dernières années…

Oui, elles fonctionnent très bien. Vous savez, la comptine m’a toujours fasciné par son côté farfelu et j’en ai accumulé dans des dossiers pendant plusieurs années. Ça m’a permis de publier beaucoup en peu de temps. Le graphisme, l’illustration et le disque ont contribué au succès de mes anthologies.

Le secteur de la littérature jeunesse au Québec connaît un essor considérable et la qualité des ouvrages est irréprochable, d’avant-garde par rapport au marché européen. Vous considérez-vous comme une ambassadrice pour la littérature jeunesse québécoise?

En effet, les éditeurs d’ici font des livres magnifiques. De nos jours, le choix est vaste. Lorsque j’ai publié mon premier livre en 1967, il n’y avait eu que quatre parutions cette année-là. Les éditeurs se sont aperçus que livres pour enfants sont vendeurs et le milieu, par la force des choses, est devenu plus dynamique. De mon côté, je reviens aux textes plus traditionnels, à des répertoires qui, à mon avis, tombaient dans l’oubli. Je ne m’attribue pas une vocation de sauveur de la culture, je me fie à mes goûts : si, plus jeune, ces textes m’ont intéressés, alors pourquoi en serait-il autrement avec la génération d’aujourd’hui?

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Avec des yeux d’enfant : la poésie québécoise présentée aux enfants, l’Hexagone/VLB éditeur
Chansons drôles, chansons folles, Fides
100 comptines, Fides

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