Ann-Marie MacDonald : Des romans plus grands que l’histoire

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Actrice et dramaturge canadienne, Ann-Marie MacDonald s'est tissé une place enviable dans le monde littéraire avec la parution de son premier roman, Un parfum de cèdre (Flammarion Québec, 2000), qui, pendant plusieurs semaines, a occupé les premières places des palmarès des meilleurs ventes. L'auteure poursuit son incursion dans l'univers francophone avec la parution de son second livre, Le Vol du corbeau, version française de Fall on your knees, qui paraît le 6 octobre 2004 chez le même éditeur.

L’effet Oprah

Le premier roman d’Ann-Marie MacDonald a donc connu un immense succès, et ce, tant dans les communautés anglophone que francophone. L’œuvre a conquis des centaines de milliers de lecteurs et dépassé toutes les espérances de son éditeur. Malgré tout, quoique Un parfum de cèdre ait été encensé par la critique, la consécration s’est fait attendre. En effet, publié en anglais en 1996 (et en français trois ans plus tard, d’abord chez Flammarion), il s’est écoulé six ans avant qu’il ne se hisse parmi les best-sellers internationaux et soit traduit en 14 langues pour rejoindre les lecteurs de 17 pays.

Le petit coup de pouce est venu, entre autres, de nos voisins du Sud. En plus d’avoir vu son roman inscrit sur la liste des meilleurs livres de différentes publications, dont le New York Times, d’avoir décroché le Prix du Commonwealth du meilleur premier roman et le prix du Gouverneur général (volet traduction), c’est la participation de l’auteure au prestigieux Oprah Book Club, en février 2002 , qui a fait toute la différence. L’animatrice américaine Oprah Winfrey a littéralement porté aux nues le roman de MacDonald. Ce passage a généré un engouement inattendu et a pris au dépourvu l’éditeur américain, Simon and Chuster, qui a dû procéder à des réimpressions pour répondre à la demande. Rappelons que l’émission quotidienne d’Oprah Winfrey attire 22 millions de téléspectateurs. L’effet sur les ventes en fut fulgurant. Voilà pour les prémices.

Premier pas, premier mot, premier roman

Mélange de saga et de chronique sociale, Un parfum de cèdre présente le portrait d’une famille au siècle dernier. Ce premier roman nous entraîne en Nouvelle-Écosse, sur l’île du Cap-Breton, où on découvre cette famille morcelée par le décès d’une mère partie trop tôt, d’un père que l’amour pousse à faire des excès et de quatre enfants liés par différents secrets.

Ce premier roman est le résultat bien involontaire de ce qui devait être une pièce de théâtre. Il s’agit d’un aspect qui se reflète dans la présence de dialogues, un art qu’Ann-Marie MacDonald maîtrise fort bien : « Du théâtre, j’apprends à distiller l’aspect narratif et la communication se fait mieux à travers l’action et les dialogues. J’essaie de ne pas de dire au lecteur quoi penser ou comment se sentir. » Cet atout, l’auteure l’a conservé pour son second roman, Le Vol du corbeau.

Le succès remporté par son premier opus n’a pas influencé MacDonald pour l’écriture du second, bien qu’on y retrouve sensiblement les mêmes thèmes, tels la diversité culturelle, l’identité, la question des minorités et le secret : « Je suis passionnée par ces sujets, parce qu’ils sont vraiment imbriqués dans notre identité canadienne, que ce soit la lutte pour le maintien de la pluralité ou l’importance de vivre parmi les autres. Ça prend de la générosité et du courage. À mon avis, ce sont les meilleures qualités canadiennes. »

Le Vol du corbeau nous entraîne dans un univers très différent de celui d’Un parfum de cèdre. L’écrivaine dresse le portrait social et intime de la vie, en mettant en parallèle l’histoire personnelle de ses personnages et celle du monde. On découvre donc la vie de la famille McCarthy, dont le père militaire, posté en Allemagne, est muté sur une base des Forces armées canadiennes située dans le sud-ouest de l’Ontario. C’est tout un univers qui se révèle au lecteur à travers les yeux de la petite Madeleine McCarthy, qui jette un regard singulier habité par la naïveté enfantine. Leur quotidien sera troublé par la découverte du corps d’une jeune fille de 12 ans, qui a été assassinée : un événement qui permettra à la romancière d’aborder des sujets aussi sombres que les abus sexuels et la pédophilie. Pour chacun de ses livres, Ann-Marie MacDonald a besoin d’une « révélation », d’une image autour de laquelle va se tisser la trame narrative. Cette fois, l’image du « corps inerte d’un enfant dans un champ » fut l’élément déclencheur.

Pour son premier roman, Ann-Marie MacDonald s’était inspirée de ses origines familiales afin de créer ses personnages. Avec ce second roman, il est aussi possible d’établir de nombreux parallèles entre l’enfance de MacDonald et celle de la petite Madeleine : naissance en Allemagne, père militaire et nombreux déménagements. Malgré cette parenté entre la petite fille et l’auteure, Le Vol du corbeau n’est « pas plus autobiographique que le précédent. Le deuxième s’inspire plus de l’expérience personnelle d’un enfant sur une base aérienne », souligne MacDonald.

La traduction de ce deuxième livre a été confiée, encore une fois, à Lauri Saint-Martin et Paul Gagné, qui avaient d’ailleurs remporté le Prix du gouverneur général pour la traduction d’Un parfum de cèdre. Pour MacDonald, il est impératif que la traduction de ses livres soit réalisée au Québec plutôt qu’en France ; elle considère que le contexte culturel dans le cadre duquel est effectuée la traduction a une incidence sur l’œuvre : « Nous sommes tous canadiens et nous avons une partie [de notre histoire et de notre culture] en commun. Je crois que l’expression du Québec ou des francophones d’Acadie reflète plus précisément l’expérience du nouveau monde. »

Bibliographie :
Le Vol du corbeau, Flammarion Québec
Un parfum de cèdre, Flammarion Québec

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