Luxure : Jocelyne Robert, redonner ses lettres de noblesse au plaisir

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La sexologue Jocelyne Robert se souvient très bien du Petit catéchisme de son enfance et de ses sept capitaux péchés, parmi lesquels figurait l’impureté, qu’on appelle plus communément aujourd’hui la luxure. Or, quelle que soit la terminologie, l’auteure derrière Le sexe en mal d’amour et Full sexuel n’a pas l’intention d’en démordre : la recherche des plaisirs sexuels n’a rien d’un péché.

« Je pense que le goût du plaisir, dans les limites de ce qui est acceptable, entendons-nous (on ne parle pas de sexolisme ou de perversion), c’est au contraire quelque chose qui doit être cultivé », défend celle qui se décrit comme une « sexosophe », une philosophe de la sexualité, un néologisme qui lui va très bien. La quête du plaisir est louable et saine selon Mme Robert, voilà qui est donc établi. Qu’en est-il alors de la littérature érotique qui a pris d’assaut les librairies depuis le succès retentissant de Cinquante nuances de Grey? Les lectures affriolantes peuvent-elles, justement, faire partie du processus d’épanouissement sexuel?

« Si quelqu’un est dans une zone de paralysie érotique, le livre et les images qu’il évoque peuvent en effet devenir un détonateur érotique. Cela étant dit, le marché est inondé de livres qui proposent un modèle sexuel basé sur la performance. Cinquante nuances de Grey,pour moi, c’est La Belle au bois dormant, Blanche-Neige, Cendrillon, version porno : c’est un culte à la soumission. » Et donc, l’érotisme tel qu’il est présenté dans un roman comme celui de E. L. James ne peut être que « stérile », croit la spécialiste. Stérile?

« On ne peut pas statuer si lire tel livre érotique ou tel autre va faire du bien ou faire du tort à la sexualité de quelqu’un; cela dépend toujours de la vulnérabilité de la personne. En revanche, on peut se demander s’il illumine l’estime de soi. Parce que, finalement, la sexualité devrait nous donner du pouvoir sur nos vies », résume-t-elle. Vous aurez compris que le bestseller qui a créé tout un émoi en 2011 et les romans qu’il a entraînés dans son sillage depuis laissent peu – sinon aucune – place à l’estime personnelle, comme en témoigne la totale soumission de la protagoniste. Cela dit, Mme Robert voit bien que cette littérature se nourrit directement du contexte social qui l’entoure : « C’est compréhensible, quelque part, qu’on retrouve ça dans la littérature, parce que le modèle dominant dans notre société c’est une sexualité de décharge, de vidange… On est dans une tendance “le cul pour le cul” qui n’a rien à voir avec un érotisme relationnel. »

Prêcher le droit au bonheur
« Je vais peut-être paraître trop poétique, mais pour moi, l’érotisme, c’est la vie qui applaudit la vie. C’est le droit au plaisir, au bonheur. On a le droit de dire non, de choisir, mais on n’a pas le droit de se laisser imposer un modèle qui, au fond, est dicté par les impératifs du marché. » Le combat de Jocelyne Robert, c’est un peu celui de David contre Goliath. Que peut une sexosophe québécoise contre l’emprise toute puissante de la pornographie? Plusieurs essais pour les adultes et pour les jeunes, dans lesquels elle propose un modèle différent où la sexualité retrouve ses lettres de noblesse et, ce printemps, un roman. Attention, Mensonges d’enfance. Gwendoline Dernière (T.1) ne sera pas un livre érotique. Par contre, ce sera un roman « plein d’humour, de sensualité et de plaisir », nous dévoile l’auteure.

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