José Bové :pour une logique de la diversité alimentaire

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Agriculteur français et porte-parole de la Confédération paysanne, José Bové milite activement à travers le monde contre la « malbouffe ». Il a fait paraître, en compagnie de François Dufour, des entretiens fort éclairants sur l'industrie et le commerce de l'alimentation à l'heure de la mondialisation, Le monde n'est pas une marchandise (La Découverte).

Qu’est-ce que la malbouffe ?

Ce n’est pas simplement une question d’alimentation, c’est aussi une façon de produire. C’est à la fois l’uniformisation et la standardisation de l’alimentation ; le fait qu’aujourd’hui, à travers le processus de l’industrialisation, on mange exactement les mêmes produits d’un bout à l’autre de la planète. L’agriculture devient une industrie hyper productrice qui comporte maintenant des risques sanitaires et environnementaux accrus ainsi qu’une perte considérable du nombre de paysans. Macdonald’s symbolise parfaitement la malbouffe : un seul goût, une seule sorte de pomme de terre, la même viande recomposée partout sur la planète. En ce sens, les OGM, les hormones, les pesticides et les antibiotiques font partie du même processus d’industrialisation de l’agriculture et de la standardisation des procédés.

Dans le contexte de la mondialisation, que pensez-vous du poids actuel des firmes internationales dans l’orientation du marché agroalimentaire ?

Les quatre ou cinq firmes agrochimiques qui ont mis au point les OGM détiennent tous les produits de traitement et ont racheté plus de 65% des semenciers dans le monde. Elles sont donc complètement maîtres de la chaîne de la production de la semence, y compris les variétés, leur utilisation et les produits de traitement. Ces firmes créent une concentration du processus qui dénote une volonté de domination et d’imposition d’une logique financière afin d’obtenir un retour sur l’investissement, leur principal intérêt.

Vous opposez les droits de l’homme à la mondialisation.

Face à la généralisation des lois actuelles du marché, on doit imposer une véritable régulation. Il ne faut pas prôner le repli sur soi ; les échanges doivent simplement se faire dans le cadre de règles. Et les seules lois acceptables sont celles qui sont admises par l’ensemble des pays depuis 1966, dans la déclaration universelle des droits de l’homme. Outre les défenses individuelle, civile et politique, cette charte intègre les pactes économiques, sociaux et culturels qui définissent le droit à l’alimentation, au logement, au travail, à la santé, à la culture et à l’éducation. La mondialisation doit se plier à cette logique internationalement reconnue.

Y a-t-il un enjeu spécial à Québec ?

Oui, bien sûr. Il y a, premièrement, celui d’aller à l’encontre de cette logique du fait accompli, une nécessité pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ensuite, cette rencontre devrait devenir le fer de lance de la reconnaissance des peuples indigènes et autochtones. Depuis 500 ans, ce sont eux les grands perdants de cette logique. Il faut leur donner le droit à un développement selon leurs propres rythmes et leurs propres choix, sans que ces derniers soient imposés par la modernité et les États. On doit aussi défendre les pays du Sud face aux multinationales qui sont en train de faire une pression phénoménale sur eux, n’arrivant pas à la faire au niveau des institutions internationales. Je souhaite que Québec soit le lieu d’une mobilisation forte et massive afin que nous puissions bloquer le processus de ratification de ces accords.

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Le monde n’est pas une marchandise, José Bové, La Découverte

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