Michel Rabagliati : L’alter ego du 9e

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Le 9e art québécois peut être fier de compter dans ses rangs l'un des auteurs les plus en vue de la profession, le sympathique Michel Rabagliati. Paul, son alter ego de papier, nous revient dans un nouvel album où il emménage avec sa blonde dans un premier appartement. Fenêtre sur cœurs.

La suite des aventures de Paul est attendue avec impatience par un public toujours grandissant. Pour ce troisième album, question pression, ça se passe bien?

Récemment, quelqu’un me demandait si on allait revoir la petite fille aveugle apparue dans Paul a un travail d’été. C’est là que j’ai compris que plusieurs lecteurs s’attendent à revoir certains personnages qu’ils ont aimés. Mais si je n’ai plus croisé ces gens connus au camp de vacances, pourquoi je les ramènerais ? Question pression, je n’en subis pas vraiment, je suis content de mon histoire. Je ne travaillerais pas deux ans sur un album en n’étant pas confiant! J’aurais pu allonger certains passages, mais en BD, il faut se surveiller: si on ouvre trop d’avenues, on se retrouve rapidement avec 800 pages, et il faut condenser. Je sais que les gens ont bien aimé mes deux premiers albums, mais je ne suis pas Stephen King! Par contre, il faut dire que Paul en appartement est tiré à près de 5 000 exemplaires, ce qui est exceptionnel pour une BD québécoise, en noir et blanc de surcroît.

Vos deux premiers albums vous ont valu un prix Bédéis Causa, trois Bédélys et le prestigieux Harvey Award for Best New Talent aux États-Unis, tandis qu’en librairie des gens qui ne lisaient pas ou peu de BD raffolent des aventures de Paul…

S’ils aiment ce que je fais, tant mieux pour eux! Cette reconnaissance, qui me permet de jauger l’engouement pour mes histoires, me procure une énergie incroyable. Je fais ce que j’ai envie de faire et ce que j’aime faire, c’est ce que j’ai envie de lire. Si j’achète en librairie un album traditionnel de 45 pages et que, de la tablette à la caisse, j’ai le temps d’en lire presque la moitié, je suis insatisfait. D’où ma préférence pour les histoires longues. La couleur, par exemple, n’a pas tant d’importance que ce que la personne a à dire. Prenez les romans graphiques de Chester Brown ou Marjane Satrapi : ça coule, c’est efficace ; 80% d’un album, c’est une histoire bien montée. Quand Astérix s’est retrouvé sans Goscinny, j’ai vraiment saisi l’importance d’un bon scénario. De plus, avec l’autobiographie, je me rends compte qu’il y a beaucoup à raconter. J’utilise le petit peu d’imagination que j’ai pour mettre en scène le quotidien: savoir regarder et être sensible afin de captiver le lecteur. D’ailleurs, côté narration et scénario, pour moi, c’est Hergé le meilleur.

Dans votre nouvel album, Paul et sa blonde reçoivent en cadeau un masque congolais d’une tantine qui a beaucoup voyagé, et qui semblait être une très grande conteuse. Une sorte de Tantine au Congo, en somme. Doit-on y voir un clin d’œil à Tintin?

Oui, mais je dois avouer que c’est le petit côté fiction de l’histoire. Tout le livre a été fait à partir d’une photo de mes deux nièces avec le masque, photo que l’on voit à la fin de l’album. J’ai utilisé l’anecdote du masque pour introduire ma tante Jeannette. Elle m’a beaucoup influencé, et c’est une sorte d’hommage que je lui rends. Je l’adorais, elle m’adorait et j’ai voulu le lui rendre, d’autant plus qu’elle m’a toujours encouragé dans le dessin.

Lors de la sortie de Paul à la campagne, en 1999, vous disiez être en train de travailler sur Paul a un travail d’été. Et vous aviez même déjà laissé entendre qu’il allait y avoir un Paul en appartement.

Oui, et je suis toujours en train de penser à de nouvelles histoires. Paul à la pêche, le nouvel album, va bon train. Après Paul en appartement, je voulais faire une histoire qui se passe dans le bois. Paul ira passer ses vacances dans une pourvoirie où il croisera de «vrais» hommes : des pêcheurs, des bûcherons… Encore une fois, il sera confronté à des gens différents de lui. Et même pour après, j’ai une histoire en tête!

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