Échos du pays de Sarko

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En séjour à Paris où Nicolas Sarkozy agite sa présidence comme un bambin son dernier hochet, je note, avec envie, que le livre s'affiche ici dans les pages clés des quotidiens, pas mal plus qu'au Québec.

Le tribunal de Versailles a rendu en décembre une décision impensable au Québec. L’un des mastodontes de la vente en ligne, Amazon France, avait étiré à outrance la loi française (Lang, 1981), qui oblige tout vendeur de livres à respecter le prix fixé par l’éditeur. Amazon France bousculait la concurrence en incluant les frais de poste dans le prix facturé aux acheteurs. Plainte, plaidoyers, décision: Amazon France doit verser 100 000 euros au Syndicat de la librairie française (SLF). Du coup, se rétablit une concurrence sans tricherie. Bien sûr, un tel exemple n’inspirera au gouvernement québécois ni gêne ni mimétisme. Les libraires sont beaucoup trop riches au Québec pour que les pouvoirs publics versent un contenu dans les verbeuses déclarations sur l’exception culturelle…

Dans Le Figaro du 24 novembre, le merveilleux écrivain Bernard Werber pourfend le manque de curiosité de bien des pseudo-lettrés et se porte à la défense de la littérature de fiction. Citant Einstein («Il est plus facile de désagréger un noyau d’atome qu’un préjugé humain»), l’auteur des Fourmis et des Thanatonautes réclame pour la littérature de fiction et, plus précisément, de science-fiction, la curiosité encore réservée au «nouveau roman et (à) la littérature psychologique introspective sentimentale parisienne». Mépriser la fiction, c’est ignorer Rabelais et son improbable Pantagruel, rejeter le Micromégas de Voltaire et faire taire les volubiles animaux de La Fontaine. Ne pas s’intéresser aux Jules Verne d’aujourd’hui, c’est se fermer à l’éventuel. «Les auteurs d’imaginaire, écrit Werber, et tout spécialement les auteurs de science-fiction, ne sont pas que de simples personnes qui délirent sans être limitées par le présent et le réel. Ils ont aussi la possibilité de sentir le futur et d’avertir. Ils sont les visionnaires d’un monde en devenir.» Et Werber de référer à l’utile prescience d’Orwell et d’Aldous Huxley.

Autre superbe écrivain, mais œuvrant dans un registre différent, Alain Absire (Le Figaro, 15 janvier 2008) s’inquiète des menaçantes conséquences de la non-lecture. «La tentation est forte — pour celui qui ne possède au sortir de l’école la clé de relations harmonieuses ni avec lui-même ni avec les autres — de s’exprimer par la violence verbale ou physique». Or, poursuit-il, en 2006, «un Français sur quatre de plus de 15 ans n’a lu aucun livre et 38% des lecteurs lisent moins de dix livres par an, contre 24 % en 1973».

Dans le même journal (11 janvier 2008), l’essayiste et ex-ministre de l’Éducation nationale, Luc Ferry, durcit le constat: «Celui qui reçoit ses petits-enfants et leurs camarades de classe pour un goûter d’anniversaire est effaré. Ces jeunes, mal attifés, sont incapables de dire bonjour, merci ou au revoir convenablement. Avez-vous le malheur de parler avec eux littérature, musique ou histoire? C’est le désert des Tartares!» Le remède? «Dans l’urgence, pour les enfants, le détour par les grandes œuvres…»

Pessimisme, élitisme, nombrilisme, plaidoyer pro domo, divers reproches peuvent frapper ces textes. Mais, séparément ou ensemble, ils présentent un indiscutable mérite: ils existent! Au cours de la même trentaine de jours, combien de textes québécois sur ce thème crucial?

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