Neuf ans. J’aurai passé neuf ans à travailler avec passion pour le bien des librairies indépendantes. J’utilise le futur antérieur, car oui, au moment où vous lirez ces lignes, je naviguerai sur de nouvelles eaux. J’ai accepté de relever de nouveaux défis au sein d’un autre bel organisme culturel de Québec, et bien que ce nouveau départ me stimule au plus haut point, j’ai le souffle court à laisser derrière tant de gens de qualité et de souvenirs heureux.

Ces neuf années au cœur de cette formidable coopérative m’ont permis de constater tout le dynamisme de cette profession essentielle. Portée par des gens formidables, dévoués et enthousiastes, la librairie indépendante se porte bien, mieux qu’au moment où j’ai abouti dans ce grand siège.

Je pars avec le sentiment du devoir accompli. Au cours des neuf dernières années, j’ai été émerveillé par le travail accompli par notre petite équipe – nous étions trois à mon arrivée, alors que nous sommes 11 maintenant – et par le succès de nos multiples projets collectifs. Comment ne pas l’être en regardant cette revue de qualité ou cette performante plateforme transactionnelle, leslibraires.ca, dynamisée par l’inclusion récente des inventaires des librairies? Comment ne pas l’être en regardant les projets bien lancés (Journée des librairies indépendantes, illustrateur de la saison, Les libraires conseillent, etc.)? Comment ne pas l’être en faisant le décompte de toutes les collaborations et les campagnes promotionnelles existantes? Comment ne pas l’être en prenant le pouls des 112 librairies du réseau?

Ce fut neuf années magnifiques, portées par des initiatives stimulantes, des rencontres marquantes, des luttes passionnées et des moments plus qu’enrichissants. Les défis demeurent nombreux. Je suis cependant convaincu de la force collective des librairies indépendantes pour traverser, tête haute, les prochaines étapes et pour continuer de construire un contrepoids essentiel aux chaînes et aux grands joueurs de la vente en ligne.

Je suis heureux de partir à un moment où la librairie indépendante est plus forte que jamais, avec une relève stimulante, une reconnaissance de plus en plus affirmée des consommateurs et un lot d’outils bénéfiques pour la librairie.

En conclusion de cette période magnifique de ma vie, je ne peux que lancer quelques souhaits :

Je souhaite que les acteurs du livre demeurent sensibilisés aux risques associés à la concentration. Alors qu’une chaîne de librairies – avec ses multiples têtes – monopolise une part de plus en plus imposante du marché de la vente de livres et que les activités de distribution sont de plus en plus entre les mains de quelques joueurs, il faudra résister et faire valoir la force des indépendants.

Je souhaite que les éditeurs, distributeurs, bibliothécaires et autres intervenants du milieu du livre reconnaissent pleinement le rôle du libraire et qu’ils l’appuient concrètement dans les prochaines étapes de son histoire. Cela peut prendre des formes plurielles : chaque geste compte. La solidité de la chaîne ne peut que s’incarner par un respect mutuel de chaque acteur et un appui constant de l’un vers l’autre. 

Je souhaite que les créateurs québécois et franco-canadiens soient lus, aimés, partagés. Le talent dans notre coin du monde est incroyable, et il se doit d’être mis de l’avant. Je ne doute aucunement que la librairie indépendante continuera d’être un allié de taille pour la diffusion de ces ouvrages.

Je souhaite que la librairie indépendante continue de vivre une transition heureuse vers une relève épanouie et motivée. L’élan est bien enclenché avec une vague de nouveaux propriétaires et de nouvelles librairies, et je suis persuadé que ce n’est que le début de cette belle histoire.

Je souhaite que la société québécoise reconnaisse l’importance de la lecture pour l’éclosion de citoyens éclairés. Il faudra lutter fort pour accroître le taux d’alphabétisation, trop faible, de notre province.

Je souhaite que le gouvernement – provincial et fédéral – joue le rôle qui est le sien : surveiller le milieu, intervenir pour mieux le soutenir, encourager la diversité, prendre des décisions courageuses pour le bien commun, et appuyer les acteurs qui font réellement une différence dans leur communauté respective.

Je souhaite surtout que les libraires indépendants continuent de collaborer activement, qu’ils soient pleinement conscients du « plus fort ensemble » et qu’ils travaillent résolument à écrire les prochaines étapes de ce beau et grand projet collectif.

Je souhaite que les lecteurs continuent de reconnaître la richesse de la librairie indépendante et qu’ils valorisent l’achat de proximité, malgré la montée en force des Amazon, Apple et autres multinationales qui n’ont rien à faire de la culture. Je pars donc en énonçant le même souhait que celui écrit dans ma première rubrique : « Acheter local, dans son quartier ou dans sa ville, tout cela signifie encore quelque chose. Cela permet d’animer nos quartiers, de cimenter nos communautés, de conserver notre argent dans notre milieu. Laure Waridel l’a maintes fois claironné : “Acheter, c’est voter”. Cette année, pourquoi ne pas voter pour votre librairie indépendante? »

Je pars le cœur gros, mais gorgé d’espoir pour la suite. La librairie indépendante est solide, et elle peut compter sur des alliés fidèles, vous, lecteurs. Je vous remercie de votre confiance, de votre appui et de votre engagement dans notre – votre – magnifique réseau.

Neuf ans à travailler pour la librairie indépendante a été la plus belle aventure que pouvait rêver un petit gars curieux né sur une ferme perdue entre la montagne et le fleuve, amoureux des livres sans trop savoir pourquoi. La plus belle aventure que pouvait imaginer un petit gars des bois fasciné par le papier. Merci pour tout et vive la librairie indépendante!

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