Dépression et suicide chez les jeunes: Mal à l’âme

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Trois décennies après ouvert la voie à une littérature jeunesse typiquement québécoise, Les éditions de la courte échelle s'engagent sur un sentier non exploré, du moins en ce qui les concerne, en publiant leur premier essai, Le mal de vivre chez les adolescents de Kate Scowen, qui traite de la dépression et des autres problèmes qui affectent l'humeur — et le bonheur — des adultes en devenir.

C’est autour de 1980 seulement que la dépression chez les adolescents est officiellement reconnue par le corps médical. Jusque-là, on jugeait impossible que les jeunes soient assez mûrs pour souffrir de cette maladie, et on attribuait leur morosité, leur instabilité émotive et leur comportement antisocial à des phases normales jalonnant l’adolescence, cette période charnière de la vie. On a également découvert que le cerveau n’arrivait à maturité complète que vers l’âge de 25 ans. Pendant l’adolescence, il subit sa seconde poussée de croissance, créant de nombreuses nouvelles connexions, en élaguant d’autres, le tout afin d’obtenir une efficacité maximale. Les hormones sexuelles qui explosent, certains événements traumatisants et stressants (divorce, échec scolaire, peine d’amour, etc.) et la génétique, bien entendu, jouent aussi un rôle prépondérant dans le développement de la dépression, de l’anxiété, des troubles alimentaires ou bipolaires, et de leur corollaire, les pensées suicidaires. Aux États-Unis seulement, on estime que 3 millions et demi de jeunes souffrent de dépression, et des statistiques démontrent que 20% d’entre eux ne seront pas diagnostiqués. Semblable constat a été fait au Canada où, en 1997, une étude révélait que 90% des adolescents morts par suicide souffraient de maladie mentale, fréquemment de dépression.

Un livre comme une bouée de sauvetage
Les gens déprimés sont généralement clos comme des huîtres. Les adolescents souffrant de troubles du comportement, de dépression ou ayant des pensées suicidaires ne font pas exception. Malgré l’ampleur du problème, rares sont les livres sur le sujet qui leur sont spécifiquement dédiés. Heureusement, la traduction française de My Kind of Sad, renverse la vapeur. Expressément conçu pour les jeunes, Le mal de vivre chez les adolescents s’adresse à eux dans un style direct et franc qui ne tait rien de la triste réalité, mais qui, à travers son message, se révèle porteur d’espoir. Dépression, boulimie, automutilation, phobies, morosité, suicide: l’auteure, une consultante ayant plusieurs années d’expérience dans le milieu social, remet en contexte, définit les maladies mentales et leurs symptômes, expose plusieurs faits, met en garde, cite maints exemples et énumère des solutions. L’une des forces du livre réside dans son approche très sérieuse, à la fois personnelle et amicale, ainsi que dans l’abondance de témoignages, un élément clé qui crée un sentiment d’identification très fort. Enfin, les illustrations épatantes de Stéphane Jorisch permettent une seconde lecture tout en finesse du propos de Kate Scowen. À la fin du Mal de vivre chez les adolescents, on trouvera une bibliographie franco­phone et un index de ressources québécoises répertoriées par un psychiatre d’ici. Les ados, comme les parents à qui j’en recommande fortement la lecture, pourront entamer un dialogue, trouver le chemin de la guérison, et sauront y puiser de nombreuses pistes pour dénicher de l’aide. Les éditions de la courte échelle, qui se vouent aux jeunes depuis trente ans, ne pouvaient choisir meilleur livre pour inaugurer leur secteur essai.

Pour comprendre le phénomène
Les troubles de l’humeur et le suicide chez les jeunes ont, sans qu’on s’en étonne, pénétré le domaine fictionnel. Votre libraire saura vous proposer des romans ou des recueils de nouvelles abordant les problèmes développés dans l’essai de Kate Scowen. Enfin, les Éditions de l’Hôpital Sainte-Justine publient d’excellents ouvrages consacrés aux mêmes troubles, mais ceux-ci s’adressent en premier lieu aux parents. Aider à prévenir le suicide chez les jeunes: Un livre pour les parents de Michèle Lambin et Les troubles anxieux expliqués aux parents de Chantal Baron constituent deux publications étoffées.

La lecture de tous ces livres nous familiarise avec ces problèmes graves. Il ne faut pas avoir peur de le dire: la dépression, la maniaco-dépression et l’anxiété sont des affections communes; au sein de leur famille, de leur milieu de travail ou de leur groupe d’amis, des individus souffrent en silence. Il est fort troublant, aussi, de s’apercevoir qu’on connaît vraiment mal les problèmes de santé mentale, et que de cette incompréhension ou de ces préjugés résulte un malaise qui peut même empê­cher le malade, souvent lui-même dépassé par ce qu’il vit, d’obtenir l’aide nécessaire pour retrouver son équilibre.

Personne n’est à l’abri de la dépression. Et des essais comme celui de Kate Scowen peuvent représenter la lumière au bout du tunnel, voire sauver des vies.

Bibliographie :
Le mal de vivre chez les adolescents, Kate Scowen, La courte échelle, 192 p., 17,95$
Les troubles anxieux expliqués aux parents, Chantal Baron, Éditions de l’Hôpital Sainte-Justine, coll. Pour les parents, 90 p., 14,95$
Aider à prévenir le suicide chez les jeunes, Michèle Lambin, Éditions de l’Hôpital Sainte-Justine, coll. Pour les parents, 272 p., 19,95$

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