D2eux pour eux

42
Publicité

Ils sont deux, les textes et les illustrations viennent d’eux (les créateurs) et les livres sont pour eux (les lecteurs). Voilà la réflexion qui se cache derrière D2eux, la toute nouvelle maison d’édition fondée par Yves Nadon et France Leduc. Ouvrez grand les yeux!

Derrière D2eux
Auteur, conférencier et enseignant à la retraite, Yves Nadon est bien connu du milieu de l’éducation et de l’édition. Enseignant à Sherbrooke durant trente-cinq ans et directeur littéraire pendant vingt ans, il a remporté le prix Raymond-Plante pour son travail exceptionnel dans le domaine de la littérature pour enfants et de la promotion de la lecture auprès des jeunes et des familles. Quant à sa compagne France Leduc, à la fois graphiste et directrice artistique, elle est propriétaire de la firme de communication visuelle Tatou. Pendant vingt ans, elle et Yves Nadon ont développé les magnifiques albums de la collection Carré blanc, aux éditions Les 400 coups.

Après avoir reçu le prix Raymond-Plante en février 2015, Yves Nadon a livré un touchant témoignage. Il a déploré les nombreuses coupes faites par les gouvernements dans la culture, l’absence de visibilité de la littérature jeunesse dans les médias et l’arrivée massive des technologies dans les écoles : « Il y a plus de techniciens dans le milieu scolaire que de bibliothécaires. Il y a plus de TBI et de iPad, et moins de livres. Il faut entretenir le bonheur et le plaisir de lire au lieu de faire de la lecture une tâche scolaire. La lecture doit dépasser l’école et il est essentiel de former des lecteurs et non des liseurs. »

D2eux pour le plaisir
En analysant la première cuvée de D2eux, on peut affirmer sans se tromper que l’idée de faire rimer « lire » et « plaisir » est déjà présente dans les albums de la maison. Loin de constituer un labeur, la lecture de À qui sont ces grandes dents?, Lili entre deux nids et Tempête sur la savane se révèle un pur bonheur.

S’adressant aux enfants de 2 ans et plus, À qui sont ces grandes dents? est tout de noir, de blanc et de rouge vêtu. Ces trois couleurs auxquelles l’illustratrice Marjorie Béal a ajouté de la texture créent une ambiance de frayeur qui est elle-même appuyée par les questions de l’auteure Sandrine Beau : « À qui sont ces poils noirs? À qui sont ces grandes dents? À qui sont ces oreilles pointues? À qui sont ces yeux perçants? À qui sont ces griffes tranchantes? À qui? À qui? » La montée dramatique culmine, fait battre le cœur un peu plus rapidement, puis c’est le retour au calme quand on apprend que les poils, les dents, les oreilles, les yeux et les griffes n’appartiennent pas au grand méchant loup qui rêve d’attraper le petit chaperon rouge, mais à un petit loup tout mignon qui fait un gros câlin à sa maman. Ludique à souhait, joyeux et tendre, cet album sur la peur réussit, avec peu de mots et de couleurs, à créer un univers dans lequel les petits voudront plonger et replonger, pour le simple plaisir d’avoir peur.   

Dans un tout autre registre, Lili entre deux nids aborde un sujet délicat : la séparation. Lili naît au printemps et rapidement, ses parents se font les gros yeux et se disputent. Lili a donc deux nids. Dans l’un, elle mange des fruits, dans l’autre, du spaghetti au ketchup Heinz; dans l’un, elle reçoit des copains, dans l’autre, elle apprend les courants du vent. Le vendredi, Lili a le droit de se reposer devant la télé, le samedi, c’est jour de commissions et le dimanche, Lili hésite entre les deux nids. En fait, elle hésite tellement qu’elle doit battre des ailes pour ne pas tomber. C’est l’été, Lili est capable de voler! Se déployant sur les sept jours de la semaine, cette histoire sur la séparation, le nid familial et le courage de grandir comporte un aspect humoristique malgré son sérieux. L’auteure et illustratrice Jonna Lund Sørensen a créé des personnages qui ont du caractère et qui font sourire avec leur bouille et leur gestuelle. Pas tristounet pour deux sous, cet album dans les tons de beige offre une finale qui fait rêver : sur fond bleu, Lili vole sous le regard attendri de ses parents qui se font une accolade. Du réconfort pour les 3 ans et plus.

Pour le même groupe d’âge, Tempête sur la savane présente une histoire impertinente et intelligente qui se lit à deux niveaux. Signé Michaël Escoffier, auteur d’une cinquantaine d’albums jeunesse, ce livre met en vedette un éléphant qui n’arrête pas de (rous)péter. Dès qu’il rencontre un animal, le pachyderme lui (rous)pète au nez, aux oreilles, à la figure. Devant tant de (tou)pet, les gazelles, zèbres, autruches, ouistitis et léopards se réunissent et décident de servir une bonne leçon au géant (rous)péteur! Pour donner vie à cette histoire sur la politesse, la bienséance et la résolution de problèmes, D2eux a confié le volet illustration de cet album de grand format à l’une de leurs artistes québécoises préférées, Manon Gauthier. Cette dernière a créé des collages aux couleurs de l’Afrique et c’est dans le beige, l’ocre, le rouge, l’orangé, le brun et le vert que déambule l’insolent personnage principal. Évidemment, les nombreux jeux de mots séduiront les enfants qui s’esclaffent dès qu’ils entendent le mot « caca ».

Sur leur site Internet (www.editionsdeux.com), Yves Nadon et France Leduc écrivent : « Un lien qui se crée entre un enfant et un livre, le bon livre : voici ce que D2eux souhaite provoquer. » Gageons qu’avec ces trois premières œuvres, de nombreux petits lecteurs trouveront rapidement chaussure à leur pied!

Publicité