Entre la naissance et la mort, l’existence suit son cours. Puis le cycle reprend, tant au sens propre qu’au sens figuré. La présente sélection d’albums québécois explore avec fougue cette thématique, nous faisant vivre un large florilège d’émotions. 

D’abord publié sous la forme d’un récit en prose en 2008 chez Soulières éditeur, qui fut à juste titre en lice pour le Prix littéraire du Gouverneur général du Canada dans la catégorie Littérature jeunesse, l’excellent Mort et déterré de Jocelyn Boisvert renaît par le truchement du 9e art et est bien plus qu’une simple adaptation. Le romancier s’adjoint les services de l’illustrateur Pascal Colpron afin de proposer une habile réinterprétation du matériau d’origine.

Yan Faucher et son meilleur ami Nathan attendent avec impatience la fin de l’année scolaire question d’enfin entreprendre le tournage de leur film de zombies. Mais voilà que Yan s’interpose entre un brigand armé d’un couteau et un inconnu, mourant poignardé le jour même de la naissance de sa sœur. Il passera un an sous terre, toujours conscient, à tenter de garder le moral avant que Nathan ne vienne le déterrer après l’avoir entendu pousser quelques notes au clairon. Une fois sorti de là, Yan doit vite composer avec sa nouvelle réalité de mort-vivant. Si « ça ne doit pas être si difficile que ça de mourir parce que finalement tout le monde y arrive », selon feu l’écrivain français André Gide, la nouvelle vie du jeune revenant sera parsemée d’embûches. Comment les proches réagiront-ils à ce retour d’outre-tombe?

Boisvert aborde la mort avec beaucoup d’humour, de sensibilité, de finesse et d’intelligence. Plus près de Six Feet Under que The Walking Dead, ce premier volet d’une série qui s’annonce remarquable est, en plus d’une célébration de la vie, une exaltante fable sur l’amitié et la famille, deux éléments essentiels au cœur et à l’âme afin de naviguer avec aisance à travers les méandres de l’existence. Aux illustrations, l’auteur de Mon petit nombril au trait élégant y insuffle une rondeur et une chaleur qui nous rivent à chacune des planches.

Après le fulgurant succès des Nombrils des Québécois Delaf et Dubuc, Mort et déterré a toutes les qualités requises pour s’élever au statut de série phare de l’éditeur belge qui compte en son écurie Spirou, Gaston Lagaffe et les Tuniques bleues. Rien de moins.

Affranchissement
La publication du premier volet de la trilogie annoncée Rédemption marque le retour de l’auteur iconoclaste Leif Tande, qui n’avait rien publié depuis 2010. Cet insolite western métaphysique porté par un redoutable graphisme schématisé met en scène Mike, un ange déchu sous des dehors de cowboy alcoolique, errant dans les limbes en quête d’une paix intérieure qu’il peine à trouver. Le dialogue de sourds que le protagoniste entretient avec Dieu n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’étonnante fable philosophique de l’artiste intitulée Convers(at)ion (Mano Blanco Comix, 2008). Leif Tande, qui avait auparavant fréquenté le genre par le truchement de Rose (Colosse, 2006) et Danger public (La Pastèque, 2007 en collaboration avec Philippe Girard au scénario), est indéniablement au sommet de son art.

Réincarnation
Marie et Nathalie, deux amies d’enfance à l’aube de l’âge adulte, s’adonnent à « Si on était », un jeu idéal pour contrer l’ennui qui consiste à s’imaginer occuper le rôle d’une scientifique, d’une superhéroïne, d’une conseillère en relations amoureuses, etc. Ces courtes saynètes nous accrochent le sourire aux lèvres et nous vont droit au cœur en ce qu’elles revendiquent le droit à la différence dans un monde tristement formaté. Prépublié dans le magazine Curium, l’ensemble des récits est bonifié pour l’occasion d’extraits de journaux intimes qui densifient le tout. Après le délicieux diptyque L’esprit du camp, Axelle Lenoir rehausse d’un cran la barre de son corpus déjà stratosphérique.

Fusion
Publié à l’origine en anglais chez l’éditeur alternatif suisse Peow Studio sous le titre Dark Angels of Darkness, Sombres bagarreurs du jeune Montréalais Al Gofa est un véritable ovni dans la production locale. Cette fable science-fictionnelle met en scène Impérius Rhâââ, un despote d’une planète aride que plusieurs guerriers tentent de détrôner. Par la fusion des corps et des âmes, ces derniers deviennent de puissants et redoutables soldats. Amalgamant Moebius à Goldorak et aux séries de Rob Liefeld d’image comics de la décennie 90, le récit haletant au trait électrisant et dialogué en français bien d’ici d’aujourd’hui désarçonne.

Publicité