Prix unique : Bravo au comité Larose!

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La commission Larose venait à peine de déposer son rapport qui recommande unanimement, comme mesure principale, la réglementation du prix des livres que les éditoriaux de La Presse (Mario Roy) et du Soleil (Brigitte Breton) rejetaient du revers de la main - et avec mépris dans le cas de m.Roy -, cette solution à la crise du livre au Québec.

Cette position était à prévoir de la part de journaux dont les pages éditoriales sont les haut-parleurs néo-libéraux de leurs patrons mais la faiblesse de l’argumentation et l’absence totale de sensibilité face aux enjeux sociaux et culturels de la mondialisation y est particulièrement navrante. Le problème est pourtant clair et le comité Larose l’a très bien démontré : c’est la diversité culturelle qui est remise en cause par les tendances actuelles du marché. C’est vrai pour tous les secteurs culturels, pour le livre en particulier, et le cas de la survie des librairies indépendantes n’est que le premier symptôme d’un problème plus vaste. Outre la réglementation du prix du livre (un prix unique, avec un jeu de 5%, la première année de publication seulement), la commission Larose fait vingt-quatre autres recommandations dans le but de protéger le réseau des librairies du Québec dont plusieurs visent le renforcement de la Loi sur le développement des entreprises dans le domaine du livre (loi 51). Ces mesures sont réclamées depuis longtemps par le milieu et sont pertinentes mais auraient peu de poids en l’absence de réglementation du prix.

Nos deux éditorialistes prétendent qu’un prix réglementé entraînera une perte d’accessibilité aux livres. Au contraire, et le comité le démontre bien, la réglementation raffermira la présence d’un bon réseau de librairies de fonds partout au Québec et assurera une diversité de choix pour le consommateur et une stabilité des prix à moyen terme. Ce qui menace le réseau actuel des librairies est la concurrence sauvage pratiquée par les grandes surfaces. Celles-ci ne conservent que les livres de grandes tirages (de 100 à 400 titres) sur lesquels elles pratiquent des rabais substantiels. La librairie de fonds ne peut se le permettre. Voici pourquoi : le fonds d’une librairie se compose des titres de petites et moyennes ventes grâce auxquels le consommateur a le choix de lire autre chose que des best-sellers américains, c’est-à-dire des livres d’ici et d’autres cultures ; de la poésie, des ouvrages de philosophie ou des essais plus pointus, de nouveaux auteurs, etc. Une librairie de fonds peut ainsi compter entre 20,000 et 50,000 titres. Naturellement, ces livres sont moins rentables. Afin de maintenir un fonds, une librairie doit donc nécessairement compter sur la rentabilité de livres à vente plus rapide. La perte progressive de ces ventes au profit des grandes surfaces entraîne une perte de rentabilité et met en danger la survie même des librairies. Par ricochet, les éditeurs et les diffuseurs qui travaillent des fonds d’édition seront également touchés. L’enjeu actuel n’est donc pas strictement commercial, il concerne avant tout une certaine vision de la culture : dynamique, diversifiée et créative.

Toutes les études, très bien documentées dans le rapport du comité Larose, le démontrent : la seule règle du marché conduirait nécessairement à un appauvrissement de cette culture. En Angleterre, la déréglementation des prix a conduit à une best-sellerisation du marché et à une augmentation de 16% du prix des livres, contrairement à ce qu’annonçaient les chantres du libre marché. Même chose aux États-Unis où sont disparues la plupart des librairies indépendantes. Le tirage global y a certes augmenté, mais uniquement sur les best-sellers, et le nombre de titres et de nouveaux auteurs a dramatiquement chuté. La plupart des pays européens ont réglementé le prix des livres pour protéger leur culture de la dictature du marché et, malgré les pressions de l’administration européenne, il semble que l’exception culturelle sera confirmée. Les livres sont au cœur des activités culturelle et intellectuelle d’une société. Ils garantissent la diversité des points de vue, des styles et des genres, ce à quoi les journaux ne peuvent plus prétendre. L’ironie facile de M. Roy au sujet des inquiétudes des membres de la commission face à la concentration de la presse était aussi à prévoir. Quant aux consommateurs, ils seront beaucoup mieux servis par un réseau de librairies qui donne du choix et du service et qui est bien réparti sur l’ensemble du territoire québécois. C’est d’ailleurs pourquoi la Fédération des consommateurs du Québec a donné son appui au prix réglementé.

En culture particulièrement, la loi du plus fort, celle derrière se rangent Madame Breton et M. Roy, à l’unisson de la droite néo-libérale nord-américaine, est toujours synonyme de nivellement par le bas et d’appauvrissement culturel. Pour ma part, je dis bravo aux membres du comité Larose qui, malgré des pressions politiques, ont dégagé les vrais enjeux de la crise et qui ont recommandé de véritables solutions dans un rapport clair et courageux. Souhaitons le même courage au gouvernement pour prendre les décisions urgentes et nécessaires qui s’imposent.

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