Précis d’histoire de l’édition au Canada français

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De la Saskatchewan au Nouveau-Brunswick, en passant par le Manitoba et l'Ontario, une quinzaine d'éditeurs de littérature, de livres scolaires ou autres animent la vie littéraire francophone hors Québec. Réunis sous la bannière du Regroupement des éditeurs canadiens-français (RÉCF), ils mènent ensemble certaines initiatives commerciales afin d'établir et de maintenir leur place dans l'industrie éditoriale canadienne. Bref tour d'horizon de leur histoire et de leur production.

La plus ancienne de ces maisons littéraires toujours en activité, Prise de Parole, voit le jour à Sudbury, grâce à la détermination d’un groupe de jeunes écrivains réunis dans le cadre d’un atelier de création littéraire dont le fruit, un recueil intitulé Lignes-Signes, est lancé au printemps 1973. Dès sa première publication, Prise de parole prend le parti «d’appuyer une littérature franco-ontarienne, à la fois moderne et enracinée», en privilégiant des œuvres de facture contemporaine. À ce jour, la maison a publié plus de 200 titres et maintient désormais un rythme d’une vingtaine d’ouvrages par année, répartis dans les multiples collections de leurs volets littéraire et scientifique.

À l’Ouest du pays, à peu près à la même époque, naissent les éditions du Blé, qui publie des oeuvres de tous les genres signés par des auteurs du Manitoba ou de l’Ouest, dont le contenu comporte «un intérêt particulier pour les Manitobains, et l’Ouest canadien». Depuis leur fondation en 1974, les éditions du Blé publient en moyenne cinq titres par année. Au dixième anniversaire de la maison, J.R. Léveillé crée la collection Rouge, afin de donner voix aux nouveaux auteurs et à la nouvelle littérature. En 2004, on lance la collection Blé en poche où sont repris les «classiques» de l’Ouest francophone. Comme ceux de l’écurie Prise de Parole, les principaux auteurs des éditions du Blé ont été salués par la critique nationale, et font partie du répertoire de pointe de la francophonie canadienne.

«Si ce ne fût de la fondation des éditions du Blé en 1974, la littérature francophone de l’Ouest serait rattachée au nom, et à l’œuvre exemplaire, d’une seule personne, Gabrielle Roy», affirme J.R. Léveillé, avant d’ajouter: «Il est clair qu’il n’existerait pas de littérature francophone contemporaine, d’un océan à l’autre, si, vers la même époque, une conjoncture poétique, une masse critique n’avait entraîné la création des éditions de l’Acadie en 1972, et Prise de parole, à Sudbury, en 1973. D’autres ont suivi; il reste que l’aventure de ces trois maisons d’édition a créé, pour tout dire, la littérature franco-canadienne, dans toutes ses différences, et dans son étendue pancanadienne.»

Il faut attendre le début de la décennie suivante avant de voir la fondation, en 1980, des éditions Perce-Neige par l’Association des écrivains acadiens. Après un premier titre (Graines de fées de Dyane Léger) qui remporte le prix France-Acadie, suivront les premières oeuvres de Gérald Leblanc, Rose Després, Daniel Dugas, Rino Morin-Rossignol, etc.. Bref, le gotha de la jeune littérature acadienne du début des années 80. Malgré un ralentissement dans la production à la fin des années 80, les éditions Perce-Neige reviennent en force dès 1991 avec des titres de Fredric Gary Comeau, Herménégilde Chiasson et Gérald Leblanc. Depuis, la maison a consolidé son catalogue en continuant d’éditer les valeurs sûres des lettres acadiennes, sans pour autant négliger la relève. Ce travail a été salué par la critique, tant locale qu’à l’échelle nationale, et ces dernières années, récompensé par des prix littéraires attribués à l’extérieur du Nouveau-Brunswick.

Au début des années 1980, deux maisons d’éditions importantes naissent à Ottawa. D’abord, en 1981, les éditions L’Interligne qui d’abord publie principalement des ouvrages historiques ou relatifs au patrimoine franco-ontarien; ce n’est qu’en 1997 que la maison s’oriente davantage vers la fiction. Avec un rythme de publication de six à neuf titres par année, les éditions L’Interligne s’intéressent surtout aux auteurs qui habitent le territoire éclaté de l’Ontario français et de l’Outaouais québécois, mais demeurent ouvertes aux propositions d’écrivains de tous horizons, en plus d’assurer la publication de Liaison, revue franco-Ontarienne des arts. En décembre 1982, au tour des éditions du Vermillon de voir le jour, maison qui compte aujourd’hui près de trois cents titres à son catalogue. En 2001, on y a inauguré la collection Transvoix, œuvres traduites et présentées en version bilingue, en 2002 la collection Science d’œuvres littéraires mettant en valeur des concepts scientifiques, et en 2003 la collection Portraits, destinée à faire connaître des auteurs canadiens. Notons également que Du Vermillon a publié vingt-huit numéros de la revue de poésie Envol entre 1993 et 1999.

À Hearst en 1988, Robert Yergeau fonde les éditions du Nordir qui publie des oeuvres de fiction et de réflexion et impose une nouvelle génération d’écrivains et d’essayistes de l’Ontario français et de l’Outaouais. À ce jour, Le Nordir a publié près de 150 livres répartis dans huit collections; plusieurs prix littéraires (Gouverneur général, Émile-Nelligan, Trillium, Consulat général de France à Toronto, Salon du livre de Toronto, etc.) témoignent de l’importance et de la qualité de sa production. Apparues cinq ans plus tard à Orléans, les éditions David se donnent pour mandat de faire connaître et de promouvoir auprès de l’ensemble de la francophonie les textes et les essais littéraires écrits en français en Ontario, au Québec et ailleurs au Canada.

Enfin, quasi-cadette de l’édition francophone hors-Québec, la maison Bouton d’or Acadie, fondée en 1996, se propose pour mission d’offrir une littérature jeunesse de qualité; et puisque des 60 livres publiés en 8 ans, 7 ont été primés au Canada ou aux États-Unis, on peut leur concéder que la mission est accomplie.

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