Nos conteurs d’aujourd’hui

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« Selon un vieux dicton irlandais, la seule
façon de conserver un conte, c’est de le donner. »
— Mike Burns

On pourrait dire que nos conteurs contemporains sont des résistants. Ils résistent, en effet, à l’uniformisation des récits et des images en libérant les histoires de leurs codes; ils résistent devant les balises de la langue, préférant user d’une formule qui libère la parole, qui laisse mieux filer l’émotion entre ses lettres; ils résistent, également, au temps qui passe, en se faisant porteurs d’une culture non pas ancestrale, mais perpétuelle. Ces résistants, ce sont notamment Michel Faubert, Jacques Ferron, Myriame El Yamani, Mike Burns, Jocelyn Bérubé, Fred Pellerin.

Si plusieurs organismes (La Maison du conte à Montréal, les Ami.e.s Imaginaires à Québec, le Festival de contes et récits de la francophonie de Trois-Pistoles, les Productions Cormoran, etc.) font maintenant vivre cet art oral en se souciant de le diffuser, il faut rappeler que ce n’est que dans les années 90 que le conte a ressurgi, après bien trop d’années tapi dans un folklore mis au rancart. Il y a une trentaine d’années, c’est donc une nouvelle parole qui se fit entendre, une parole qui nous entretenait de nos ancêtres, de nos héros, de nos valeurs, mais avec une nouvelle couleur et une nouvelle saveur. Pour découvrir le tout, les éditions Planète rebelle proposent avec le coffret Trad le meilleur du conte contemporain mis sur papier (et CD), réunissant ainsi l’œuvre de trois incontournables, qu’il serait péché de ne pas découvrir. 

Avec Contes, de Michel Faubert, on plonge dans l’univers de cet homme talentueux qui roule sa bosse depuis plus de vingt ans et on voyage d’histoires en chansons, entre les perles de son répertoire comprenant des fictions empreintes de sortilèges, de fraternité, de mauvais hasards et d’infortune. Ensuite, on plonge dans la culture gaélique avec Contes d’Irlande, de Mike Burns, où les fées, les rois et les chevaliers s’entrecroisent alors que le conteur s’amuse avec la musicalité des mots, trouvant inspirant le ludisme qu’apportent les calembours. « Ce sont de petits joyaux longuement polis et ciselés avec amour par une culture paysanne, au fil du temps », écrit le conteur dans sa préface, expliquant le choix de ces contes tirés d’une culture millénaire. Et le dernier du trio, le conteur émérite Jocelyn Bérubé qui foule les planches depuis 1970, nous propose Des héros ordinaires, des contes bien ancrés dans le Québec, qui nous parlent autant de hockey que de poupée qui parle, de célébrations qu’il nous rend magnifiquement avec frénésie, imagination et poésie. L’écouter, c’est avoir souvent le souffle coupé.

De leur voix chaude qu’on peut entendre sur les CD accompagnant ces livres, tous nous ramènent à un lieu en nous où il fait bon nous arrêter, où il est essentiel de nous autoriser à imaginer. Puisque, après tout, se laisser raconter une histoire demeurera toujours un grand symbole d’humanité.

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