Les sermons imbuvables

5
Publicité
lelibraire.org reproduit un texte de Pascal Assathiany. P.-d.g. des éditions du Boréal et directeur de Diffusion Dimedia, M. Assathiany réagit contre les critiques de Michel Brûlé à l'endroit du milieu du livre, plus précisément contre les déclarations du propriétaire des maisons Les Intouchables et Lanctôt éditeur sur les programmes d'aide à l'édition.

Lire «Pascal Assathiany: Valoriser la lecture», un entretien accordé à Stanley Péan en 2003.

M. Michel Brûlé aime qu’on parle de lui! M. Brûlé se précipite sur toutes les tribunes et déblatère dans tous les micros pour distribuer les volées de bois vert ou les satisfecit. M. Brûlé se prend pour le grand justicier mais qui est-il vraiment? Un éditeur, ou plutôt un fabricant de livres commerciaux et vite faits qui en général sont la pâle copie de livres qui ont eu du succès: Après le succès de Gabrielle de Marie Laberge il publie Aurélie, après le succès du Petit Prince de Saint-Exupéry il publie Le Petit Prince retrouvé, après le succès de Un dimanche à la piscine de Kigali de Gil Courtemanche il publie Ça ne s’est pas passé comme ça à Kigali, après Putain de Nelly Arcan il publie Pute de rue et ainsi de suite…

M. Brûlé n’aime pas le Boréal. C’est son droit. Après tout, il a raison d’être jaloux de notre catalogue. Je pense que ce qui définit un éditeur ce sont ses auteurs et non la personne qui dirige la maison. Je crois que le fait de publier Gaétan Soucy, Marie-Claire Blais, Suzanne Jacob, Louis Hamelin, Guillaume Vigneault, Marie Laberge, Nadine Bismuth, Monique Proulx, Robert Lalonde ou Jean-François Lisée, Lucien Bouchard, Claude Castonguay, Claude Morin, Gérard Bouchard, Claude Ryan, François Ricard, Charles Taylor et plusieurs centaines d’écrivains de qualité et de penseurs qui marquent notre société est plus important que de se répandre en propos injurieux.

Je n’ai jamais pris la plume pour répondre aux propos calomnieux que M. Brûlé nous assène à répétition parce que c’aurait été lui donner trop d’importance. Je le fais aujourd’hui pour rétablir quelques faits sur les subventions à l’édition.

Ces subventions existent parce que, contrairement à la France, nous sommes un pays peu peuplé, qui subit la concurrence des éditeurs étrangers. Sans aide gouvernementale l’édition n’aurait pu se développer et l’édition culturelle n’existerait pas. Les différents programmes aident soit l’édition littéraire (par des jurys de pairs au Conseil des Arts) soit le succès éditorial (par un pourcentage des ventes accordé par le ministère du Patrimoine).

À la fin des années 70, le livre québécois représentait 5% des ventes en librairie, aujourd’hui il en représente 35%. Si on inclut le manuel scolaire l’édition nationale occupe maintenant près de 50% du marché total. C’est une assez belle réussite!

Le total des subventions au Canada tourne autour de 30 millions de dollars. C’est un investissement qui a donné des résultats éloquents. Cela permet d’avoir aujourd’hui une industrie canadienne du livre qui a plus d’un milliard de chiffre d’affaires, qui emploie plus de 10 000 personnes et verse plus de 200 millions en salaires tout en stimulant économiquement une chaîne qui va de l’auteur au lecteur en passant par les libraires, les bibliothèques, les imprimeurs, les graphistes, etc. Ces aides ont permis à la culture et aux identités canadienne et québécoise de s’épanouir.

M. Brûlé a reçu plus de 200 000 dollars en 2004 en publiant une petite quarantaine de livres. Il trouve pourtant qu’il ne reçoit pas ce qu’il mérite. Il s’explique le manque d’estime du milieu parce qu’il vend beaucoup de livres, livres qui, il faut bien l’avouer, n’encouragent guère à l’estime.

M. Brûlé participe de la «trash épidémie» en exploitant de façon indécente les goûts sensationnalistes du public. Il est fier de vendre les malheurs des filles Hilton ou de raconter la vie de Mom Boucher. Grand bien lui fasse, mais il voudrait en plus avoir des lauriers de l’«establishment littéraire». Comme si La semaine ou Frank voulait recevoir des prix de journalisme!

M. Brûlé, libre à vous de faire fortune avec le malheur des gens, mais de grâce, évitez-nous vos sermons démagogiques et imbuvables.

Publicité