L’histoire du petit format en sol québécois

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Dans Histoire de l’édition littéraire au Québec au XXsiècle (Fides), Jacques Michon dresse le portrait du livre de poche dans la province. Ainsi, il explique qu’influencé par le pocketbook américain et le roman en fascicules (découlant du pulp magazine et du dime novel), le livre de poche fait son apparition au Québec dans les années 40. Pour la plupart, ces parutions sont condamnées par le clergé, en raison notamment des couvertures souvent osées et violentes. La Revue moderne (qui deviendra des années plus tard, lors d’une revente, le Châtelaine que l’on connaît), introduisit la première collection de poches produite sur le territoire québécois (d’abord sous forme de fascicule). Entre 1941 et 1946, c’est une vingtaine de rééditions d’auteurs français et de nouveautés canadiennes qui s’y retrouvent. On peut alors les acheter autant au Eaton qu’à la librairie Beauchemin, autant dans les gares de tramway que dans les hôpitaux.

En 1947, la collection « Format poche » consacre 60% de sa production éditoriale aux romans sentimentaux (de fonds principalement français ou américain), alors que les romans policiers et les romans populaires se partagent les 40% restant. « Les Aventures étranges de l’agent IXE-13, l’as des espions canadiens » (la plus populaire, déclassant de loin les autres, surtout dans les années 60) ou encore « Les Aventures extraordinaires de Guy Verchères, L’Arsène Lupin canadien-français » rappelleront peut-être à certains d’entre vous d’heureux souvenirs de lecture. Vu le succès, une quarantaine de collections du même type verront également le jour.

Toutefois, l’éditeur qui marque l’histoire de l’édition québécoise, en dehors des romans d’aventures ou à l’eau de rose, est Alain Stanké, alors qu’en 1979, il décide de fonder sa collection de poches. Comme il souhaitait qu’elle exprime l’excellence, il la nomme comme la note parfaite : « 10sur10 ». Cet été qui chantait, de Gabrielle Roy, sera le tout premier titre à paraître. Suivra une panoplie de titres, où nos classiques québécois signés Roch Carrier, Roger Lemelin, Yves Beauchemin, Claude-Henri Grignon y côtoient nos contemporains : Kim Thúy, Francine Ruel, Denis Monette, Matthieu Simard, etc.

C’est ensuite la collection Typo (découlant alors des éditions de l’Hexagone) qui sera fondée en 1984 par François Hébert, Alain Horic et Gaston Miron. Signaux pour les voyants de Gilles Hénault inaugure la collection, suivi en 1985 par Terre Québec, suivi de L’afficheur hurle et de L’inavouable de Paul Chamberland. En 1991, la collection devient une maison d’édition à part entière, laquelle comprend maintenant 160 titres au catalogue, qui vont du théâtre à la poésie, de la fiction aux ouvrages de référence. À la différence de certains de ses successeurs, les ouvrages de Typo ont la particularité d’être retravaillés et peaufinés par leurs auteurs.

Au début de l’année 1988, un autre grand joueur emboîte le pas à Typo : Boréal, avec sa collection « Boréal compact », dont le format est un peu plus large que les poches conventionnels. Le 18 janvier 1988 seront donc publiés Maria Chapdelaine de Louis Hémon (dans une version qui revient au texte original), Le défi écologiste de Michel Jurdant et Le récif du prince de Jacques Savoie. Depuis 2013, des ouvrages du Quartanier (L’homme blanc, Atavismes, Arvida, Malgré tout on rit à Saint-Henri, etc.) côtoient ceux d’Anne Hébert, de Dany Laferrière et de Victor-Lévy Beaulieu : « Boréal et le Quartanier décident de concert non seulement des titres à publier, mais aussi de la couverture, du texte de la quatrième de couverture, etc. C’est un vrai travail de partenariat », explique Pascal Assathiany, directeur général du Boréal. 

À peine quelques mois après la création de Boréal compact, les éditions BQ voient le jour. E lles sont fondées conjointement par les éditions Leméac, Hurtubise et Fides (qui, depuis 2011, n’est plus actionnaire), qui reprennent le nom d’une collection déjà existante – depuis 1972 – chez Fides. Cette association leur permet de bénéficier de trois riches catalogues dans lesquels piger les titres à rééditer. Entre novembre et décembre de 1988, c’est pas moins de dix-sept titres qui seront publiés, dont Les anciens Canadiens, Angéline de Montbrun, Ashini, Faites de beaux rêves ainsi que six titres de Félix Leclerc.

Du côté des essais, l’éditeur Nota Bene, alors sous l’étiquette Nuit blanche éditeur, publiait en 1994 Les 100 romans québécois qu’il faut lire, de Jacques Martineau, ainsi que La chanson québécoise de La Bolduc à nos jours, anthologie de Roger Chamberland et André Gaulin. Puis, en 1998, alors que Nuit blanche éditeur devient les éditions Nota Bene, deux titres marquent la création de la collection NB poche, la toute première à s’intéresser aux essais en petit format et laquelle compte maintenant trente-huit titres : Le naufrage de l’université et L’acte de lecture. « La collection ‘’Visées critiques’’ a quant à elle été inaugurée en 1999, par la publication de l’essai d’André Belleau, Le romancier fictif suivi la même année par Hugo. Amour / Crime / Révolution. Essai sur les Misérables, d’André Brochu », explique l’éditeur, Guy Champagne.

Depuis, les éditeurs québécois ont suivi la vague et ils sont de plus en plus nombreux à publier en format poche. En 2007, les éditions Alto inauguraient la collection « Coda » avec Nikolski, alors qu’Héliotrope suivait en 2011 avec, dans sa « Série P », Le ciel de Bay City de Catherine Mavrikakis et C’est quand le bonheur? de Martine Delvaux. Mais ils ne sont pas seuls : La courte échelle, Flammarion Québec, Lévesque éditeur, Québec Amérique, Hurtubise, L’instant même, Triptyque, etc. sont également du lot de ceux qui s’engagent, pour notre grand bonheur, dans la grande aventure du petit format…

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