À chaque édition de la revue Les libraires, nous vous proposons une sélection de livres qui se glissent facilement dans votre poche. Petit prix et petit format, certes, mais de grandes découvertes et de belles plumes!

Des hommes sans femmes
Haruki Murakami (trad. Hélène Morita), 10/18, 290 p., 13,95$
Drive My Car. Une chanson mythique des Beatles sortie en 1965, mais également le nom du premier chapitre de ce livre d’Haruki Murakami. Dans Des hommes sans femmes, on retrouve cette façon qu’a l’auteur japonais d’ouvrir des portes vers l’imaginaire et de nous inviter à nous questionner, à réagir, à réfléchir. Les nouvelles s’enchaînent, portraits de différents horizons réunis sous le ciel de l’abandon par une femme. Des références au cinéma français, à la musique anglaise ou à la culture japonaise à tire-larigot viennent donner encore plus de relief à des récits percutants et poignants. Dignes des fantômes et des fantasmes de Kafka dont il s’inspire volontiers.

 

Les fantômes du vieux pays
Nathan Hill (trad. Mathilde Beach), Folio, 960 p., 14,95$
Nathan Hill est un auteur des plus ambitieux. Dans ce premier roman, il propose un tour d’horizon des États-Unis, des émeutes dans les années 60 aux problématiques sociales les plus souvent discutées. Tout commence par une mère qui agresse un candidat à l’élection présidentielle, et son fils, écrivain, plus occupé à jouer en ligne qu’à écrire – au grand dam de son éditeur. Pour honorer son contrat avec ce dernier, l’auteur va prendre pour sujet sa mère, qui fait la une. Problème : il ne sait pas grand-chose de celle qui l’a abandonné à ses 11 ans. Il va alors entreprendre une enquête qui le mènera entre squelettes dans le placard et rêve américain. Un roman saupoudré d’humour plongeant le lecteur dans une rétrospective des plus captivantes.

 

Le garçon
Marcus Malte, Folio, 592 p., 14,95$
Le garçon n’a pas de nom. Il vivait avec sa mère dans la forêt, en marge de tout, des autres, du monde, des êtres. Mais sa mère est morte. Elle voulait voir une dernière fois la mer. C’est chose faite. Il est seul à présent. Il ne sait pas lire, il ne sait pas écrire. Il ne sait pas grand-chose si ce n’est se débrouiller dans la forêt. Il va rencontrer des hommes, des femmes. L’amour, un peu, le malheur, beaucoup, dans ce XXe siècle teinté de conflits entre civilisations. Mais ne rien savoir, c’est tout avoir à découvrir. Un roman d’initiation où le garçon, décrit par une plume poétique, s’immiscera dans une société, dans une guerre, dans un monde où tout n’a pas forcément de sens.  

 

Histoire de petite fille
Sacha Sperling, Le Livre de Poche, 246 p., 12,95$
L’héroïne de ce roman a de l’ambition. Seulement, elle l’utilise malgré elle pour se faire du tort, en défonçant toutes les portes pour atteindre son but : partir à Los Angeles, alors qu’elle est toujours mineure, pour se lancer dans une carrière d’actrice porno. C’est que, depuis plusieurs années, Mona peaufine son art de la séduction et n’a pas peur des tabous. Son air boudeur fait carton; sa peau bronzée, ses (faux) yeux bleus, ses cheveux blonds et son audace font d’elle la nouvelle star du porno, la mieux payée de toute l’industrie. Mais si Mona a de l’ambition ainsi, elle a surtout derrière la tête un plan d’envergure… plan que le lecteur ne découvre qu’à la toute fin de ce roman bien ficelé, bien rythmé, qui n’endosse en rien les choix de la gamine.  

 

Songe à la douceur
Clémentine Beauvais, Points, 264 p., 14,95$
Tatiana a 14 ans quand elle rencontre Eugène, âgé de 17 ans, de qui elle tombe amoureuse. Mais il l’éconduit, la blessant. Dix ans plus tard, alors que tous les deux ont changé, ils se croisent par hasard. Eugène entreprendra alors de conquérir Tatiana. Voudra-t-elle encore de lui? L’amour serait-il enfin possible entre eux? Écrite en vers avec élégance et finesse, cette histoire poétique et émouvante s’inspire librement du roman d’Alexandre Pouchkine Eugène Onéguine et de l’opéra du même nom de Tchaïkovski. Voilà un roman audacieux et singulier sur l’intensité de l’adolescence, le temps qui passe, le passage à l’âge adulte et l’amour. Dès 13 ans.

 

Les filles au lion
Jessie Burton (trad. Jean Esch), Folio, 514 p., 17,25$
Celle qui a publié Miniaturiste récidive avec un roman d’époque qui nous plonge cette fois au cœur de deux récits, l’un se déroulant à Londres en 1967, l’autre en Espagne en 1936. C’est l’histoire d’une toile (de ce tableau qui donne son nom au roman), l’histoire d’un amour qui n’a pas existé tel qu’on l’aurait souhaité, c’est l’histoire qui se glisse alors que la guerre civile espagnole commence à gémir en arrière-plan, c’est l’histoire de femmes fortes, artistes dans l’âme, qui crient jusque par-delà les époques pour leur liberté. Un roman si bien imbriqué qu’en dévoiler davantage serait en gâcher le plaisir. Mais rappelons que l’écriture de Jessie Burton est remarquable et qu’elle a une finesse exceptionnelle pour entrelacer des récits qui demeurent narrativement aussi forts l’un que l’autre tout au long du roman.

 

Chez la reine
Alexandre Mc Cabe, BQ, 144 p., 9,95$
Pour ceux qui aiment l’écriture qui met de l’avant une franche authenticité, Chez la reine, premier roman d’Alexandre Mc Cabe, saura vous combler. L’histoire se déroule des années 80 à aujourd’hui, dans ce qu’on appelle l’arrière-pays québécois et dans ce qui a été érigé dans la mémoire du narrateur : souvenirs du village, du grand-père récemment décédé, d’une époque autre. Mais aussi, il se questionne : la famille, la culture, les racines, qu’est-ce que tout cela, après tout, qu’est-ce qu’on doit « transmettre »? C’est ainsi qu’on abordera le deuil, mais aussi le référendum de 95. On lit sur les Canadiens de Montréal, mais aussi sur la profondeur des rangs de campagne. Une langue forte à découvrir, un auteur à suivre

 

Bienvenue au pays de la vie ordinaire
Mathieu Bélisle, Nomades, 320 p., 12,95$
Mathieu Bélisle, dont on peut lire les écrits intelligents dans les pages de L’inconvénient, réussit à trouver le dosageparfait entre érudition et accessibilité dans Bienvenue au pays de la vie ordinaire, en nous proposant un regard solidement argumenté sur notre société – ses travers, bien sûr, mais aussi ses limites – grâce à des textes dégourdis, parfois bien piquants, qui font grandement réfléchir. L’essayiste déplore la force vive de la « vie ordinaire » – dont le concept rejoint celui du confort et de l’indifférence de Denys Arcand –, alors que l’engagement collectif ou la reconnaissance de l’importance des arts et de la pensée sont mis de côté. Parce que même si l’ordinaire n’est pas mal en soi, il faut encore être en mesure de rêver et d’imaginer d’autres possibles…

 
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