La revue PLANCHES, dont le premier numéro a été publié en octobre 2014, célèbre cette année ses cinq ans d’existence. Ce trimestriel met à l’honneur le travail des bédéistes chevronnés autant que celui de la relève et fait rayonner la bande dessinée québécoise. Chaque numéro propose entre autres de courtes bandes dessinées inédites, des chroniques et des rubriques. La revue s’est dernièrement associée au Festival BD de Montréal pour créer un livre, intitulé Rues de Montréal, qui offre des histoires urbaines en bande dessinée de treize bédéistes, dont Samuel Cantin, Jeik Dion, Cyril Doisneau, Guillaume Perreault et Catherine Ocelot. Pour souligner ce cinquième anniversaire, l’équipe de PLANCHES nous en révèle davantage sur les coulisses de cette revue consacrée à la bande dessinée. 

Racontez-nous la petite histoire de la création de la revue PLANCHES.
En 2013, Émilie Dagenais et Sandra Vilder décidaient de mettre en commun leurs compétences et leur amour de la culture québécoise pour créer la revue PLANCHES. Au fil des mois, le projet recevait tellement d’encouragements qu’elles décidèrent d’abandonner leurs emplois et de mettre toute leur énergie dans sa concrétisation. Après une campagne de sociofinancement qui a dépassé toutes leurs attentes, le numéro 1 est produit à l’automne 2014. Lors du lancement, les auteurs et éditeurs de toutes les sphères de la bande dessinée au Québec ont répondu présents. Un an plus tard, le tirage dépassait 1200 exemplaires. Depuis, Émilie a quitté la revue et Sandra a laissé de côté son poste de directrice et une équipe renouvelée prépare maintenant le trimestriel. Depuis 2016, PLANCHES est passée à sa version actuelle, soit 108 pages.

Qu’est-ce qui caractérise la revue PLANCHES? Quelle est sa mission?
PLANCHES est un organisme à but non lucratif. La revue vise à encourager la production artistique en bande dessinée québécoise et à la populariser auprès d’un lectorat adulte. Notre activité principale est la publication trimestrielle d’une revue de bandes dessinées inédites.

Plusieurs personnes nous demandent quelle est notre ligne éditoriale, mais la vérité c’est que nous n’en avons pas. Nous refusons d’enfermer la BD dans un style particulier. Notre seule ambition est de faire la promotion de la bande dessinée sous toutes ses formes et dans toute sa globalité au Québec.

Nous avons à cœur d’être un espace d’expérimentation. Nous rémunérons au même prix tous les bédéistes, à la planche, et nous y tenons. L’objectif est de proposer un cadre à la fois souple et professionnel. Nous souhaitons avant tout proposer un espace d’expression ouvert, autant pour les auteurs et auteures déjà édités que pour les bédéistes qui se testent avec leurs premières soumissions.

PLANCHES cherche également à devenir un porte-étendard de la bande dessinée québécoise. Nous ne sommes pas partenaires du Festival BD de Montréal (FBDM) par hasard. Nous sommes deux organismes aux structures différentes ayant une visée identique : promouvoir la culture BD québécoise.

Cette BD québécoise, elle se porte bien. Elle s’exporte même plutôt bien. Seule ombre au tableau : le lectorat français ou francophone/phile ne sait pas que les auteurs qu’ils apprécient viennent d’Amérique du Nord. Proposer dans nos pages des bédéistes francophones de l’étranger est aussi une manière de faire parler du Québec et sa culture BD en dehors de nos frontières.

Avec le récent aboutissement du projet de livre Rues de Montréal, réalisé en collaboration avec le FBDM, nous commençons à envisager d’étendre le champ de notre production. PLANCHES pourrait peut-être publier d’autres livres. On y pense en ce moment pour tout vous dire. On reste en tout cas ouvert à cette idée sous réserve que cela ne vienne pas mettre en danger la revue et notre ambition initiale de promotion libre et ouverte de la BD québécoise. Notre modèle se cherche encore, mais nous pensons à l’avenir.

Quelle est l’importance pour le milieu de la bande dessinée d’avoir une revue telle que la vôtre?
Il est difficile d’évaluer sa propre importance au sein de l’industrie. Certains auteurs ont débuté dans PLANCHES. D’autres étaient déjà publiés quand ils nous ont soumis une de leurs œuvres. Nous cherchons avant tout à offrir des opportunités, autant aux bédéistes établis qu’à ceux qui débutent. Nous souhaitons offrir une chance à tous les artistes. Plaire à toute l’équipe n’est pas une obligation. Notre principal critère est que l’artiste propose un travail élaboré, quelque chose d’inédit. Parfois, des échanges sont nécessaires avant d’arriver à un résultat abouti, mais nous travaillons toujours dans le respect et l’ouverture d’esprit. Nous nous donnons aussi comme mission de donner la parole à des chroniqueurs pour présenter des œuvres récentes ou d’autres passées sous le radar. Nous aimons bien l’idée de contribuer à la mémoire du milieu. Notre importance, s’il en est, tient au fait que nous sommes l’un des très rares médiums à publier régulièrement des recueils de bandes dessinées estampillées du sceau « fabriqué au Québec ». On se voit avant tout comme des artisans, une menuiserie traditionnelle qui travaille fort à faire découvrir les planches de ses compagnons.

Quels sont les plus grands défis auxquels doit faire face une revue comme la vôtre?
À l’instar des autres joueurs de l’industrie de l’édition, que ce soit magazine ou livre, nous nous heurtons aux difficultés liées au prix du papier, de l’impression et surtout de l’expédition postale ; les prix demandés par Postes Canada sont parfois délirants, et le simple fait de modifier notre choix de papier pour une option plus mince, donc plus légère, a des conséquences directes sur le prix reporté à nos abonnés. C’est également tout un défi de se démarquer des très nombreuses publications québécoises, car l’offre est grande, et c’est tant mieux, et notre publication très nichée. Nous devons aussi toujours nous battre contre l’idée que la bande dessinée est destinée principalement à un public jeunesse. C’est beaucoup de travail et on l’abat un lecteur, une lectrice à la fois.

Que pensez-vous de la place qu’occupe la bande dessinée actuellement au Québec?
La bande dessinée québécoise a depuis quelques années le vent dans les voiles. En quelques chiffres, selon les chiffres tirés de l’état des lieux de la BD québécoise présenté au festival d’Angoulême en janvier dernier : 647 777 BD ont été vendues en 2016, soit une part de marché avoisinant les 5,6 %. La production annuelle de BD a augmenté de 210 % en 16 ans. De plus, les bédéistes québécois sont de plus en plus connus, édités et primés en dehors de nos frontières, et les collaborations sont de plus en plus fréquentes. Mais il reste encore beaucoup à faire pour en faire une proposition littéraire acceptée au même titre que les autres.

Parlez-nous de votre numéro hors série qui paraîtra cet été.
Le livre Rues de Montréal est un projet mené conjointement par le Festival BD de Montréal et notre revue. Tout ça a débuté comme une façon de célébrer le 375e anniversaire de Montréal. L’idée d’origine était d’amener les artistes comme les lecteurs à (re)découvrir l’histoire de leur ville par la BD. Nous nous sommes concentrés sur deux quartiers impliqués dans le projet, soit Rosemont–La Petite-Patrie et Le Plateau-Mont-Royal. Au total, treize bédéistes d’ici ont présenté, dans leurs styles qui nous plaisent tant, autant d’anecdotes d’un Montréal au passé méconnu. Le Palais des Nains, ça vous dit quelque chose? Initialement, le projet devait s’en tenir à une exposition urbaine dans trois parcs de la métropole, mais nous avons décidé de le mener jusqu’au bout. Nous sommes très fiers de ce projet qui se concrétise finalement sous la forme d’un album papier.

Nommez-nous quelques bandes dessinées québécoises qui mériteraient, selon vous, une meilleure visibilité auprès des lecteurs.
Le travail de mémoire fait par une maison d’édition comme Moelle Graphique par exemple est remarquable. Elle vient d’ailleurs de publier Bouboule, une œuvre méconnue d’Albert Chartier. Plusieurs auteurs et auteures d’ici méritent d’être (re)découverts, et c’est la mission de la chronique d’Éric Bouchard, qui met en avant dans Relectures des œuvres qui méritent une meilleure reconnaissance. Nommons au passage, dans une liste vraiment non exhaustive, Obom, Grégoire Bouchard, Pascal Girard, Julie Doucet, Ariane Dénommé, Geneviève Castrée, etc. La liste est trop longue pour être réduite à quelques titres.

La revue PLANCHES célèbre ses 5 ans cette année. Que souhaitez-vous pour les prochaines années à la revue?
Continuer à créer des liens avec des institutions d’enseignement, des ateliers de création, des diffuseurs, des festivals, etc.; augmenter notre lectorat, proposer un magazine encore plus imposant sans jamais perdre de vue notre vision d’œuvres de qualité, inédites et excitantes. Nous voulons continuer à publier des recueils en format livre, à l’image de Rues de Montréal. Nous désirons continuer à devenir l’une des références en création artistique québécoise. « J’ai été publié pour la première fois chez PLANCHES » est une phrase que l’on adore entendre et que l’on souhaite entendre encore plus souvent à l’avenir.

 

 
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