Apprivoiser… le haïku. Un « anti-poème » spontané

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De Bashô au slameur contemporain, le haïku a fait son chemin, se taillant également une place sous la plume de Félix-Antoine Savard et même de Jack Kerouac. Parce qu’il est petit – le plus petit poème du monde, en fait! –, il permet une intensité fulgurante. Dans Découper le silence. Regard amoureux sur le haïku, Jeanne Painchaud offre un véritable petit cours sur le haïku, son histoire et ses grands maîtres. En première partie du livre, l’auteure propose ses propres créations de haïkus, avant d’approfondir, en seconde partie, tout ce qui compose la complexité et la diversité de cet art ancestral. Tendez l’oreille, vous y entendrez peut-être le bruissement de votre âme.

Qu’est-ce qu’un haïku, formellement et philosophiquement? 
Le haïku est un poème d’origine japonaise, dont on attribue la paternité à Bashô (1644-1694).  C’est devenu un genre universel depuis une centaine d’années. Le haïku est un poème qui tente de capter un instant fulgurant, spécial, pour celui qui l’attrape en plein vol et qui l’écrit. Il s’agit d’un moment rempli d’émotions. Je dis souvent qu’écrire un haïku, c’est comme prendre une photo avec des mots. On essaie de faire très court. Après tout, c’est le plus petit poème du monde! C’est pourquoi on dit que le haïku a la longueur d’un souffle. Même si les traditionalistes le font encore, il n’est aujourd’hui plus obligatoire de respecter la formefixe de 17 syllabes sur 3 vers (5-7-5) et d’inclure un « mot de saison ». Ce qui reste important, c’est de raconter un instant, de capter la poésie d’un moment. Puisqu’il nous pousse à être attentifs à ce qui est vivant autour de nous, le haïku pourrait s’apparenter à une certaine forme de méditation.

Au Japon, quelle place occupe le haïku?
Au Japon, presque 10% de la population pratique le haïku de façon amateur. En fait, c’est le seul pays au monde où un art littéraire est adopté autant par des professionnels que par des amateurs. Tous les jours, à la une des grands journaux, on peut lire un haïku. Il existe aussi des groupes de haïkistes qui se forment, qui animent, qui collaborent à des revues de haïkus. Une compagnie de thé vert glacé japonais organise même, chaque année, un grand concours, et les meilleurs haïkus se retrouvent sur ses bouteilles! D’ailleurs, les Japonais souhaiteraient inscrire le haïku au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.

Quelle est la différence entre un haïku japonais et un haïku québécois?
Un haïku, c’est tellement court que ça fait appel à la culture ambiante de celui qui l’écrit ou le lit. Ainsi, il faut baigner dans un certain contexte culturel pour comprendre le poème. C’est comme une blague : sans les référents, elle perd de sa puissance, voire de sa pertinence. La langue (jeux de mots, longueur des mots, etc.) et les valeurs de la société ne sont pas les mêmes au Japon et au Québec; les haïkus en sont tout simplement le reflet. Pour des Québécois, un bon haïku est donc quelque chose qu’ils peuvent comprendre du premier coup, qui trouve un écho dans leur propre langue et leur propre culture. C’est également pour cela que l’on se sent souvent plus près des haïkus contemporains, qui nous touchent davantage que ceux qui ont été écrits avant le XXe siècle. 

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