Robert Capa : La vie et l’enfer des hommes

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Robert Capa, né André Friedmann le 22 octobre 1913 à Budapest, a profondément marqué le métier de reporter-photographe. Fondateur avec Henri Cartier-Bresson de l'agence Magnum en 1947, il nous a légué des clichés mémorables qui continuent de faire le tour du monde. La maison d'édition Phaidon met désormais à notre disposition le livre de Richard Whelan, Robert Capa : La collection, en version brochée. L'œuvre magistrale du photographe hongrois y est résumée en 937 images puisées dans une banque immense, qui compte près de 70 000 négatifs !

D’entrée de jeu, les premières pages de l’ouvrage font l’effet d’un coup de poing. C’est le premier contrat de Robert Capa, nous sommes le 27 novembre 1932 à Copenhague. Il photographie en cascade Léon Trotski, le fameux révolutionnaire russe maintenant en exil. Trotski, enflammé, prononce une conférence sur la révolution de 1917. Capa est tout près de la tribune, les mots sifflent autour de lui. Un moment incroyable.

C’est lors de la guerre civile espagnole, de 1936 à 1939, que se forge la renommée internationale de Capa. De l’enthousiasme révolutionnaire du début jusqu’à l’exode tragique vers la frontière française, il suit le conflit du côté républicain sur divers fronts : au fond des tranchées, dans les maisons transformées en postes de tir ou sous les bombes dans Madrid assiégée. Il y réalise la fameuse photographie intitulée l’Homme et la guerre. On y voit un milicien tombé au combat, tué sur le coup, les bras en éventail.

À la guerre comme à la guerre

Photographe-correspondant pour Life et accrédité par l’armée américaine, Capa se lance dans le feu de l’action à la suite des débarquements alliés d’Afrique du Nord et de Sicile en 1943 et jusqu’aux derniers combats sur le sol allemand, en avril 1945. C’est au cours de cette période qu’une autre photographie passe à l’histoire. En effet, Capa accompagne la première vague de combattants lors du débarquement du 6 juin 1944. C’est sous le feu des balles allemandes qu’il prend ce cliché de soldats américains dans les eaux d’Omaha Beach. Dans un livre d’une trentaine de pages conçu comme un album de souvenirs, Robert Capa : L’Œil du 6 juin 1944, Claude Quétel regroupe les images qui résument un moment charnière dans cette guerre dévastatrice, des préparatifs au dénouement du débarquement allié. Seulement onze des soixante-douze clichés effectués par Capa sont récupérables, les plus célèbres plutôt flous. Pourquoi ? Non pas en raison d’une faiblesse du photographe, mais plutôt à cause d’une malheureuse erreur de manipulation en chambre noire par le technicien du labo…

Le spectre de la Faucheuse

La mort rôdait bien souvent devant l’objectif de Capa. Ses photographies spectaculaires et dramatiques, en rendant compte de la violence, de la misère, de la désolation et des souffrances des hommes, en firent un « photographe de guerre ». En même temps, Capa voulait porter l’espoir. En témoignent ces images sympathiques prises dans l’effervescence sociale du Front populaire de 1936, en France, ou encore son adhésion à la cause de l’antifascisme pendant la guerre d’Espagne. Robert Capa vivait intensément, c’est ce que nous dit son sourire. Ainsi, derrière les combats, la vie continuait. Au sein des événements tragiques qui jalonnèrent son parcours sur plus de vingt ans, Capa n’a cessé s’intéresser à l’enfance. Des enfants au regard parfois triste, drôle, enjoué ou même sérieux, témoins précoces du monde des hommes en lutte. Comme de raison, la Faucheuse finit par rattraper le photographe sur son propre terrain, dans l’enfer des hommes. Le 25 mai 1954, Robert Capa est tué lorsqu’il met le pied sur une mine antipersonnel près de Thaibinh, en Indochine française.

Bibliographie :
Robert Capa : La collection, Richard Whelan, Phaidon, 572 p., 59,95 $
Robert Capa : L’ œil du 6 juin 1944, Claude Quétel, Gallimard, coll. Découvertes Gallimard/Hors Série, 14,25 $

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