Le livre fait son cinéma : Le septième art à pleines pages

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Cherchez-vous un cadeau pour quelqu'un « qui n'aime pas tellement les livres » (question classique) ? Peut-être cette personne aime-t-elle le cinéma ? Passez donc en librairie, vous trouverez certainement de quoi lui faire plaisir. Sans vous oublier, bien entendu !

À l’affiche

Commençons avec deux répertoires. Tout d’abord, Le Petit Larousse des films qui, comme son nom le laisse deviner est, le modeste frère du consistant Dictionnaire mondial des films. Il possède plusieurs qualités, mais n’est pas sans défaut. Sa grande force est l’étendue de son répertoire, qui contient 3000 films. Ils sont classés en ordre alphabétique et une jolie section couleur permet de les retrouver par réalisateur, acteur, genre, etc. Chaque entrée présente, en plus des données techniques habituelles (titre, réalisateur, scénariste, interprètes), un résumé et, pour la moitié d’entre eux environ, une appréciation critique. Tout ceci est fort pratique à une condition : que vous connaissiez (par cœur, s’entend) le titre des versions françaises des longs métrages, puisqu’il n’y a pas d’index des titres originaux. Si vous ignorez ou avez oublié que Double Indemnity se nomme Assurance sur la mort ou que To Have Or Have Not est traduit par Le Port de l’angoisse, eh bien tant pis pour vos beaux yeux ! On pardonne malgré tout à l’ouvrage à cause de son prix raisonnable.

Quant au à 1001 Films à voir et à revoir, pardonnez-moi, mais il faut le voir et le revoir pour y croire. Certes, il ne contient que 1001 films, mais quelle sélection : que des chefs-d’œuvre ou presque ! Bien que ce soit un livre d’origine américaine, le corpus est véritablement universel (un ou deux Denys Arcand flattent notre chauvinisme, mais on aurait aimé y trouver Jean-Claude Lauzon). Pour chaque film, nous avons droit à un texte court, mais intelligent : résumé, mise en contexte, commentaire critique avec, à l’occasion, des éléments d’une analyse plus poussée. Ce n’est pas un répertoire qui se voudrait
« objectif », mais une série de brefs essais faits par et pour des cinéphiles. Un peu plus, il sentirait bon le maïs soufflé… Ce qui ne gâche rien, c’est sa présentation : superbe, rien de moins ! Des centaines d’images sur papier glacé, une mise en pages moderne et efficace. Le classement chronologique accentue l’impression d’un voyage dans l’histoire du septième art et l’on peut se guider, comme pour le Petit Larousse, grâce aux index habituels ; en prime, cette fois, de bien utiles titres originaux.

Une touche française

Dans le marché du livre, les anniversaires (naissance et mort confondues) apportent leur lot de publications. C’est le cas pour le cinéaste français François Truffaut qui, il y a vingt ans, mourait jeune, trop jeune… Voici deux parutions récentes, mais surveillez les rayons de votre libraire, car à l’heure qu’il est, certaines nouveautés sont encore à traverser l’Atlantique.

Le Paroles de François Truffaut est un objet séduisant ; il consiste en un florilège de citations tirées de ses films ou de la presse. Cela me fait penser à un menu : ça ne nourrit pas beaucoup, mais ça ouvre l’appétit ! Il faut dire que c’est bien présenté : pour chaque film et court métrage, on a droit à plusieurs pages très illustrées, agrémentées d’extraits de dialogues, d’entrevues, de dossiers de presse, etc. Si vous désirez séduire votre invité(e), laissez traîner cet ouvrage bien en évidence. Son format n’en fait pas exactement un beau livre (coffee table book, comme on dit dans la langue de John Kerry), disons plutôt un petit livre de chevet. On y vagabonde avec plaisir, et on en sort avec deux envies : voir ou revoir les films de Truffaut, et lire un livre plus substantiel sur son œuvre.

Par exemple, le François Truffaut que publie Taschen dans une collection sans nom consacrée à l’étude des grands réalisateurs e qui est en train de devenir incontournable. Ce qui saute d’abord aux yeux est la qualité impressionnante des images : excellent choix de photos, reproduction impeccable, design au goût sûr. Mais attention : ce ne sont pas des « livres d’images » à regarder en quatrième vitesse ; le texte est solide, bien qu’un peu rapide sur les détails. L’introduction est en elle-même un court essai fort intéressant. L’auteur y expose une grille de lecture de l’œuvre de Truffaut, qui serait un conflit entre le permanent et le provisoire. Une analyse convaincante.

Le maître Scorsese

Tout ceci vaut également pour Film noir, paru dans la même collection. Même qualité visuelle exceptionnelle, même sérieux dans le texte. Dans l’introduction, on apprend que le « film noir » (terme inventé après la Seconde Guerre par des critiques français) a subi les influences conjuguées du roman policier hard boiled (littéralement, « dur à cuire »), de l’expressionnisme allemand, du réalisme poétique et de l’existentialisme français… Pas mal pour un genre dit mineur ! On exprime bien sûr une semblable réserve, qui vaut pour toute la collection : tout va un peu trop vite pour qu’on y goûte pleinement.

Le livre que j’ai gardé comme dessert serait plutôt… un plat de résistance. Ce Martin Scorsese vient d’ailleurs combler un vide dans la bibliographie en français. Il était temps ! Peut-être comprendrons-nous enfin pourquoi ce cinéaste de génie souffre d’un manque flagrant de considération, notamment de la part de l’Académie-qui-donne-les-Oscars ? Serait-ce parce qu’il montre trop bien la face violente de l’Amérique ? Serait-ce parce qu’il refuse la complaisance et le consensus ? N’est-ce pas la marque des grands artistes ? Je pourrais continuer ainsi longtemps, mais l’ouvrage de Schaller et Trosset le fait bien mieux. C’est le plus « savant » des livres proposés ici, mais sans charabia inutile ; il intéressera tout cinéphile sérieux, à moins que ce dernier ne soit allergique à un cinéma-choc comme celui de Scorsese.

Avec tout cela, s’il n’y a pas de livres de cinéma sous les sapins cette année, ce ne sera pas la faute des éditeurs !

Petit Larousse des films, Collectif, Larousse
1001 films à voir et à revoir, Steven Jay Schneider, Hurtubise HMH
Paroles de François Truffaut, Dominique Auzel,Albin Michel
François Truffaut, Robert Ingram, Taschen
Film Noir, Alain Silver & James Ursini, Taschen
Martin Scorsese, Nicolas Schaller & Alexis Trosset, Dark Star

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