L’histoire des robots dans la littérature mondiale est intimement liée à l’histoire des robots tout court, les deux ayant évolué en parallèle. Leur apparition dans nos vies a frappé l’imaginaire, et les écrivains se sont emparés du thème, le poussant à son maximum, imaginant des scénarios impliquant des êtres robotisés qui sont serviteurs de l’homme en simplifiant leur quotidien ou encore des êtres qui deviennent ennemis destructeurs de la race qui les a créés. Aperçu à la vitesse de l’éclair des principaux robots de papier.

Avec l’arrivée de l’industrialisation et de la robotique, l’excitation et la technophobie se sont côtoyées – riche terreau offert sur un plateau d’argent pour les écrivains. Mais ne sautons pas les étapes et rappelons que depuis les mythes fondateurs, le thème d’une créature créée par l’homme autrement que par l’enfantement est présent : Pygmalion, Prométhée, le Golem, voire, quelques années plus tard, l’histoire du Dr Frankenstein et de Pinocchio. Des mythes qui, encore à ce jour, sont d’une grande pertinence pour qui les lit, ébranlant les valeurs de celui qui pense que créer reste sans impact.

Les automates
Autre passage obligé avant d’en arriver aux robots : le XVIIIe siècle et ses automates qui font fureur. Un canard de métal pouvant digérer de la nourriture, un joueur d’échecs mécanique (Poe en a tiré une nouvelle), un automate pouvant écrire un texte; grâce à leurs traits humanoïdes, ils sont fascinants et posent les premières bases d’une machine aux allures de l’homme. L’apparition du premier automate dans la littérature serait dans Yanshi, une histoire issue du livre Le vrai classique du vide parfait, un classique de la sagesse taoïste écrit quelque quatre siècles avant notre ère par Lie-Tseu. On y relate le récit d’un mécanicien qui construisit pour le roi un automate aux traits humains pouvant chanter, bouger et même danser. Le résultat est tellement réussi que le roi croit se faire tromper – s’agirait-il d’un humain déguisé en automate? – et pousse l’artiste à démonter son œuvre faite de laine et de cuir.

Le premier robot
Mais c’est le roman L’Ève future, signé par Auguste de Villiers de L’Isle-Adam en 1886, qui est considéré comme l’une des œuvres fondatrices de la science-fiction. Si c’est dans cet ouvrage que l’on rencontre pour la toute première fois le terme « andréide » (qui deviendra le maintenant fort usuel « androïde »), c’est pour désigner Ève, une femme créée de toute pièce par un ingénieur nommé Edison afin de combler les attentes d’un jeune lord. Ce dernier est amoureux d’une femme de chair et d’os : « Il adorait le corps de cette jeune fille; il avait la perpétuelle obsession de sa beauté magnifique; mais il avait horreur de son âme, de son esprit, de tout qui en elle n’était pas la matière », lit-on. L’andréïde créée a ainsi pour objectif de lui être spirituellement supérieure, question de convenir à toutes les attentes du Lord. Ce roman, dont on critiquerait à notre époque la vision misogyne qu’il dépeint, s’articule ainsi autour du thème de l’amour impossible, puisqu’adressé à une femme artificielle n’ayant pas de sentiments. Mais le questionnement qui en ressort est fort intéressant et rejoint celui du récent film Her : humain ou robot, l’objet de nos désirs ne demeurerait-il pas toujours qu’une idéalisation, loin de la réalité, qu’on se fait de lui?

Des robots assujettis à des lois
Isaac Asimov, faut-il le rappeler, était un scientifique de formation. Avec l’écriture de ses deux cycles majeurs que sont « Robots » et « Fondation », qui se déroulent sur plusieurs millénaires et esquissent le futur de l’humanité, il s’est taillé une place de choix parmi les auteurs de science-fiction. C’est en 1942 qu’il publiera les fameuses « lois de la robotique ». Estimant que la relation de l’homme envers le robot est ambiguë, voire qu’elle peut devenir chaotique, l’auteur américain d’origine russe invente trois lois qui seront encodées directement dans les androïdes, contrôlant ainsi leurs comportements. Elles se déclinent ainsi : 1) Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger; 2) Un robot doit obéir aux ordres que lui donne l’être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi; 3) Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.

Ainsi, les robots ne peuvent plus se révolter, comme la Créature le fait envers Frankenstein et comme on le retrouve dans plusieurs autres ouvrages qui en ont découlé, dont La tour de verre de Silverberg où l’on assiste à une grande rébellion d’androïdes, lesquels ont recréé un système qui leur convient – liens sociaux, religion, rapports nuancés à l’humanité. Les lois d’Asimov deviennent des éléments à explorer, à tenter d’outrepasser, et sont d’une grande richesse littéraire. Si quelquefois certaines démontrent des contradictions ou des failles, ce sera toujours pour le plus grand plaisir des lecteurs.

Des robots vers l’intelligence artificielle
Il existait jusqu’à tout récemment deux armes considérées comme massives : la poudre à canon et la bombe nucléaire. Depuis peu, une troisième s’est ajoutée au lot : les armes létales autonomes, aussi appelées killer robots. Si la littérature a jusqu’ici tout fait pour nous mettre en garde contre les dérives possibles de l’intelligence artificielle, il est à souhaiter qu’elle continue d’explorer ces dernières, tout autant que les avancées spectaculaires permises par la technologie et les robots. Pour ceux qui aimeraient se plonger dans les pensées de chercheurs qui se sont penchés sur le sujet, il vous faudra lire Les robots font-ils l’amour? (Laurence Alexandre et Jean-Michel Besnier) et Des robots et des hommes (Laurence Devillers). Et pour un roman sur les dérives potentielles de l’intelligence artificielle, c’est vers le contemporain Ada d’Antoine Bello qu’il faudra vous tourner. Mais le passage obligé pour l’intelligence artificielle restera Arthur C. Clarke, bien entendu… 

D’AUTRES ROBOTS DANS LA LITTÉRATURE

Le magicien d’Oz
Lyman Frank Baum (États-Unis, 1931)

Captain Future
Edmond Hamilton (États-Unis, 1940)

Astro, le petit robot
Osamu Tezuka (Japon, 1952)

Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques?
Philip K. Dick (États-Unis, 1964)

La Cybériade
Stanislas Lem (Pologne, 1965)

Gandahar
Jean-Pierre Andrevon (France, 1969)

Le guide du voyageur galactique
Douglas Adam (États-Unis, 1979)

Pluto (série)
Naoki Urasawa (Japon, 2004)

La fille automate
Paolo Bacigalupi (États-Unis, 2009)

Nous rêvions de robots
Isabelle Gaudet-Labine (Québec, 2017)

 

Définition du mot « robot »
On attribue l’origine du terme « robot » à Karel Čapek, un dramaturge tchèque qui utilisa le mot robota dans une pièce qu’il écrivit en 1920 pour désigner ses automates produits en masse pour devenir des ouvriers. Le choix vient du fait que, en tchèque, robota signifie « corvée » ou « travail forcé ». Bien que l’histoire tourne mal et que les robots souhaiteront anéantir la race humaine sans pourtant y parvenir, le terme, lui, se propagera mondialement. Mais attention, si Čapek associe le mot « robot » à ses personnages, ces derniers n’en restent pas moins des androïdes, car rappelons qu’un robot est une machine automatisée pouvant faciliter certaines tâches pour l’humain (un bras mécanique est un robot, tout comme l’est un robot culinaire), et n’a pas nécessairement une allure humaine.

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