Métro, Silo… Dodo?

135
Publicité

Levez-vous de votre chaise, approchez-vous de la fenêtre et regardez dehors. Il fait beau? Il pleut? Vous avez une vaste cour, le mur de l’immeuble voisin, un cours d’eau? Imaginez qu’à partir de maintenant, les fenêtres n’existent plus, que pour les jours, les semaines, les années à venir, votre seul paysage se résume à des murs de béton. Qu’un microcosme organisé avec les moyens du bord se soit constitué. Que la société ne se limite qu’à quelques milliers d’individus. Que « dehors » soit synonyme de « mort assurée »… C’est le cas d’univers décrits dans deux trilogies parues ces dernières années : « Métro » et « Silo ».

Il y a plusieurs séries de romans post-apocalyptiques. J’aurais pu aborder les deux livres d’Alex Scarrow : L’effet domino et La théorie des dominos; le feuilleton de Sean Platt et David Wright, Yesterday’s Gone (que je vous conseille fortement si vous êtes adepte de séries télé). Mais j’ai finalement arrêté mes choix sur les livres de Dmitry Glukhovsky et de Hugh Howey, justement pour leurs environnements claustrophobiques et horriblement limités : l’un au sein des lignes de métro moscovites et l’autre à l’intérieur d’un énorme silo en plein sol.

Univers à l’horizontale
Commençons par la série qui m’a donné le goût de rédiger cet article : « Métro ». Métro 2033 reste l’un de mes livres préférés dans le genre. Une magnifique brique de près de 700 pages (format L’Atalante), riche en actions, en rebondissements et même en frayeurs. La sortie de ce roman a provoqué une telle réaction parmi les lecteurs que, très vite, l’univers s’est propagé au-delà du milieu littéraire, notamment dans le milieu des jeux vidéo.

Comme l’indique le titre du livre, nous sommes en 2033 à Moscou. En 2014, la ville a été victime de frappes nucléaires intensives. Les rares survivants se sont réfugiés dans le métro moscovite. Et depuis, tout porte à croire que la surface de la planète entière n’est plus qu’une vaste ruine hantée par des créatures ayant muté avec les radiations. Avec le temps, les stations intactes deviendront des villages, le nouveau chez-soi des survivants. Presque vingt ans plus tard, nous rejoindrons le jeune Artyom, dont la plus grande partie de sa vie s’est déroulée dans les profondeurs de Moscou, à la station indépendante de VDNKh. Indépendante, car au fil des aventures d’Artyom, qui doit se rendre à l’autre bout du réseau pour protéger les occupants d’inquiétants envahisseurs, nous découvrirons que certaines lignes se sont regroupées afin d’assurer la protection d’idéaux – des structures politiques telles que le socialisme, le fascisme, les sciences et le militarisme. Mais il y a aussi la surface! Pour aller chercher des objets – qui ne sont pas trop radioactifs, mais utiles à la vie courante –, des hommes revêtent des combinaisons antiradiations et, armés de compteurs Geiger, grimpent vers l’inconnu! S’il y a les radiations, il y a aussi ces nouvelles formes de vie qui n’attendent qu’à les attraper au détour. Bref, j’admire ce talent qu’a Glukhovsky de mettre en place un roman d’aventures digne d’un périple en Terre du Milieu avec une poignée de stations de métro! Et sincèrement, c’est l’un des rares romans à avoir réussi à me donner de sérieux frissons d’angoisse… 

Univers à la verticale
À la différence de « Métro », dans « Silo », on entre directement à l’intérieur d’une société bien établie et structurée qui fonctionne depuis… en fait, nul ne pourrait dire depuis quand précisément. Ici, les différentes couches sociales sont réparties tout au long des centaines d’étages d’un véritable silo. En gros, il y a les mécanos, qui vaquent à l’entretien du réseau électrique et du pompage d’eau, les agriculteurs, qui produisent, avec les déchets humains ainsi que les morts, la nourriture essentielle pour tous les habitants du silo, l’école, les bureaux administratifs et, finalement, le shérif. Il est important de conserver un ordre social impeccable, car une petite étincelle peut entraîner le déclin du silo. Les belligérants sont condamnés à une tâche mortelle : sortir nettoyer les caméras à l’extérieur, seuls yeux qu’ont les habitants sur l’univers toxique qui les menace. Les condamnés doivent porter un costume qui retardera de quelques minutes l’inévitable. Mais si on fabriquait un costume plus résistant qui permettrait de voir au-delà de cette damnée colline? Je vous laisse découvrir la suite.

J’ai une profonde admiration pour ces créateurs qui tentent de nous décrire un univers probable avec des « si » et qui possèdent l’art de mettre en place des sociétés et des modes de survie crédibles, et ce, tout en nous gavant d’action. Bien sûr, on se questionne, on remet en doute telle ou telle technique ou solution, mais si on se laisse dériver et imprégner par l’histoire qui nous est racontée, on est vite happé par ces mondes angoissants, qui semblent sans espoir. Enfin, lorsque je conclus l’une de ces aventures, l’un de mes plus grands plaisirs, c’est de refermer mon livre et de me lever pour regarder dehors… Allons prendre l’air pour méditer là-dessus quelques heures. Pendant qu’on le peut encore!  

Publicité