Derrière la mythologie de l'auteur et le mystère qui entoure le processus d'écriture, l'imagination humaine a parfois bien anticipé la réalité. En attendant les voitures volantes et les voyages dans le temps annoncés dans certains romans, on peut déjà se consoler avec ces quelques prédictions qui sont étrangement passées su papier à la réalité...

1. De la Terre à la Lune, trajet direct en 97 heures 20 minutes
Jules Verne (1865)

La fiction : À l’origine publié sous forme de feuilletons dans le Journal des débats, ce roman de Jules Verne imagine la façon dont le Gun club de Baltimore, à la fin de la guerre de Sécession, projette de tirer un boulet de canon sur la Lune, activité originale et peu courante, mais qui permet aux membres de s’extraire de la monotonie du quotidien imposée par la fin de la guerre civile. Un Français, Michel Ardan, propose de remplacer le boulet par un projectile creux afin de permettre de transformer cette initiative en mission spatiale habitée.

La réalité : Cette œuvre de la littérature française fait étrangement écho à la mission Apollo 8 de 1968. Cette dernière est également une initiative américaine, décollant depuis la Floride, elle est faite par trois hommes et vise à placer un module en orbite autour de la Lune. Cette mission a duré plus ou moins une semaine, avant son retour dans l’océan.

2. Cent ans après, ou l’an 2000
Edward Bellamy (1888)

La fiction : Edward Bellamy nous livre ici une utopie de science-fiction où le protagoniste, Julian West, se retrouve étrangement propulsé à l’aube de notre millénaire. Il y découvre une société harmonieuse, prospère et équitable. Le travail est obligatoire de 21 à 45 ans et il n’existe qu’un employeur : l’État. Mieux, l’écrivain américain, soucieux de gommer la dépendance des femmes à leurs maris, imagine un monde où elles sont autant payées que les hommes, idée novatrice à la fin du XIXe siècle. L’œuvre d’Edward Bellamy remporte un grand succès à sa sortie et inspire de nombreux auteurs qui puiseront dans l’imaginaire créé dans Cent ans après, ou l’an 2000.

La réalité : Si, malheureusement, la prédiction de l’égalité salariale selon le genre ne s’est pas encore accomplie dans le monde, une autre est, en revanche, clairement instaurée. En effet, dans cette société de l’an 2000 où la prospérité est de rigueur, chaque citoyenne et citoyen paye à l’aide d’une carte de crédit. La monnaie fiduciaire n’existe plus dans l’utopie de Bellamy. Si les prédictions de certains économistes sont justes, notre monde se dirige également vers une omniprésence et une exclusivité de l’argent dématérialisé.

3. La machine s’arrête
Edward Morgan Forster (1909)

La fiction : Il est temps de quitter la délicieuse illusion d’un monde en paix, homogène et heureux, pour s’engouffrer dans la nouvelle dystopique d’Edward Morgan Forster. Ce romancier et nouvelliste britannique nous gratifie en 1909 de La machine s’arrête. Dans le monde tel que le conçoit l’Anglais, l’humanité vit sous terre et se retrouve dépendante d’une machine titanesque qui lui octroie ce dont elle a besoin. Une véritable religion est instaurée où la Machine est glorifiée, considérée comme divine, quand bien même elle aurait été mise au point par l’Humanité.

La réalité : Afin de communiquer dans cet ensemble souterrain, point de pigeon voyageur ou autre système archaïque, mais une messagerie instantanée qui nous permet de voir notre interlocuteur en même temps, par le biais d’un petit objet plat et rond. Chose absurde en 1909 et totalement triviale en 2018.

4. La destruction libératrice
H. G. Wells (1913)

La fiction : Rédigé à l’aube de la Première Guerre mondiale, ce roman d’anticipation place en thème central la façon dont l’homme peut appréhender et manier la puissance et l’énergie grâce à la technologie. Wells ne parvient pas à concevoir un monde en paix lorsqu’il existe de telles disparités de développements, à la fois sociaux et économiques. Les connaissances en physique de l’époque font état de la possibilité de relâcher une grande source d’énergie, sans savoir pourtant la méthode pour y parvenir. L’auteur britannique imaginera alors le déploiement de ces bombes atomiques et les réactions en chaîne qu’elles produiront par la suite sur le monde.

La réalité : Le 6 août 1945, deux ans après la signature de l’accord de Québec, trois B-29 de l’armée américaine survolent Hiroshima et larguent une bombe surnommée « Little Boy ». Trois jours plus tard, les États-Unis réitèrent l’expérience en larguant une autre bombe, « Fat Man », sur Nagasaki cette fois. Ces deux raids firent entre 150 000 et 260 000 morts.

5. 1984
George Orwell (1949)

La fiction : Considéré comme un des plus grands romans du XXe siècle, à la fois dans les genres de la dystopie, de l’anticipation et de la science-fiction, 1984 s’est installé peu à peu dans le paysage culturel moderne et l’expression « Big brother is watching you! » est familière pour beaucoup. Dans cette œuvre, le monde sort de la Troisième Guerre mondiale, une guerre nucléaire entre l’Est et l’Ouest. À Londres, où l’histoire se déroule, Winston Smith cherche à conserver une trace écrite de la vérité, soumise aux humeurs du parti. Mais il doit échapper à la traque irrémédiable et insoutenable de la Police de la Pensée.

La réalité : Cette surveillance sans fin a notamment trouvé un écho lors du scandale de la NSA en 2013. Au moment de l’accession de Trump à la Maison-Blanche, sur fond de fake news, 1984 était en tête des ventes aux États-Unis.

6. 2001, l’odyssée de l’espace
Arthur C. Clarke (1968)

La fiction : Imaginant un autre futur que celui dessiné par E. M. Forster pour le troisième millénaire, Clarke s’associe avec le réalisateur Stanley Kubrick en 1964 pour un projet intitulé Les odyssées de l’espace, comprenant quatre romans et deux films. Partis à la conquête du système solaire, les hommes sont prêts à dépasser cette frontière symbolique en quête d’une autre intelligence dans l’immensité de l’univers.

La réalité : Cette œuvre emblématique de la science-fiction a cependant imaginé une spécificité futuriste pour l’époque que l’on retrouve aujourd’hui dans les mains de nombreuses personnes. Il était en effet impensable pour Clarke que les humains continuent de s’informer au moyen de la presse papier traditionnelle, aussi ce sont des tablettes numériques qui leur apportent un contenu d’informations. Pour l’anecdote, lors d’une des nombreuses querelles judiciaires entre Samsung et Apple, le géant sud-coréen a utilisé une scène du film construit sur l’œuvre de Clarke pour attester le design intemporel et en rien novateur des tablettes électroniques.

7. Tous à Zanzibar
John Brunner (1968)

La fiction : Le meilleur pour la fin? C’est aux lecteurs d’en décider, mais ce roman du Britannique John Brunner est certainement le plus troublant. L’histoire se déroule en 2010, sur une planète Terre luttant contre la surpopulation, dominée par les nouvelles technologies, le capitalisme et la pollution. Œuvre fondatrice du cyberpunk, Tous à Zanzibar imagine des États-Unis martyrisés par des attaques terroristes dans les écoles, où Détroit a fait faillite et n’est plus qu’un terrain vague. Les campagnes de lutte contre le tabac sont légion alors que le cannabis est dépénalisé. Mais ses prédictions ne s’arrêtent pas là! Côté technologique, Brunner avait imaginé que les voitures fonctionneraient à l’électricité, que l’on mettrait au point la technique de l’impression laser et que la télévision à la demande battrait son plein. Plus troublant encore, Tous à Zanzibar imagine la formation de l’Union européenne, qui comprendrait un Royaume-Uni dissident…

La réalité : Le lecteur non avisé qui lirait cet ouvrage sans noter l’année de la première édition pourrait imaginer que John Brunner l’a rédigé en 2018.

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