Édito: De nouveaux espoirs?

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Au risque de me répéter, je tiens à rappeler à quel point le bilan des actions du gouvernement Harper dans le domaine de la culture est peu reluisant. Au lendemain du remaniement ministériel qui voit arriver la Québécoise Josée Verner à la barre du Patrimoine canadien, il est permis de se demander si la volonté des conservateurs de gagner un deuxième mandat, cette fois avec une confortable majorité à la Chambre des communes, se traduira par des gestes concrets, susceptibles d'attirer la sympathie des milieux culturels.

Dans la foulée de cette nomination, je me suis permis deux observations assez peu originales, sur lesquelles la plupart des observateurs de la scène politique se sont entendus: d’abord, qu’on pouvait provisoirement accueillir la venue d’une nouvelle ministre avec un brin de soulagement, puisqu’il lui serait difficile de faire pire que celle qui l’a précédée, l’impopulaire Bev Oda; ensuite, qu’il fallait garder la tête froide, compte tenu de la piètre performance du gouvernement en matière de culture.

L’ensemble des milieux culturels canadiens gardera un souvenir amer du processus de répartition des crédits supplémentaires alloués au Conseil des Arts du Canada à l’occasion de son cinquantenaire. Du controversé programme de soutien à de nouvelles initiatives, auquel j’ai eu le malheur de participer à titre de juré dans le domaine de l’édition, on retiendra surtout l’insuffisance des fonds qui devait condamner à l’avance des projets pourtant pertinents, et alimenter de plus belle les rivalités et les querelles internes du milieu. Et si l’annonce en juillet d’une augmentation récurrente du budget du Conseil de 30 millions de dollars avait de quoi réjouir modérément, elle ne faisait pas pour autant oublier que les besoins réels nécessitaient une majoration cinq fois plus importante, d’ailleurs promise par les libéraux de Paul Martin avant leur défaite électorale de l’hiver 2005/2006, ET initialement soutenue par les conservateurs de Harper.

En dépit de toutes ces belles déclarations sur la sauvegarde de la diversité culturelle, à force d’espoirs déçus, de promesses non tenues, de signes d’indécision, Bev Oda a su attirer sur elle la grogne de l’ensemble des artistes et travailleurs culturels du pays. D’où une certaine méfiance à l’égard de Josée Verner. Cette méfiance nous empêchera-t-elle de laisser la chance à la coureuse? De la nouvelle ministre du Patrimoine canadien, en tout cas, on espère qu’elle sache garder une oreille attentive aux préoccupations et aux revendications des créateurs et de leurs diffuseurs œuvrant dans les diverses disciplines artistiques, qu’elle puisse faire valoir au Conseil des ministres conservateurs l’importance de la culture comme moteur de l’identité collective, qu’elle obtienne qu’on regarnisse les budgets des services culturels canadiens à l’étranger que l’inconscience de l’actuel gouvernement a bêtement supprimés, qu’elle dégotte une augmentation récurrente des budgets du Conseil des Arts du Canada à la hauteur des besoins, qu’elle travaille au rétablissement des programmes d’alphabétisation mis à mal par les compressions budgétaires sauvages, et qu’enfin elle propose une réforme de la loi sur le droit d’auteur bénéfique pour les ayants droit.

Par ailleurs, on a vu en août dernier comment la disparition de la Chaîne culturelle de Radio-Canada il y a maintenant trois ans continue de faire couler de l’encre, alors que plusieurs critiques s’en sont pris au vice-président de la société d’État Sylvain Lafrance, tenu pour responsable de la diminution de l’espace médiatique alloué aux arts et aux lettres sur les ondes de la radio publique. Dans un même ordre d’idées, on a continué à déplorer le peu d’attention porté au livre et à la littérature par la télévision nationale, qui continue de préférer incorporer à ses émissions généralistes un maigre contenu soi-disant littéraire en y invitant essentiellement des têtes d’affiche et des auteurs de titres à grand tirage à venir faire des steppettes à défaut de causer littérature; et on a continué à espérer, sans doute en vain, le retour à son antenne d’un magazine littéraire digne de ce nom. Écrivains, éditeurs et autres intervenants du milieu du livre, y compris les lecteurs, réclament unanimement une pareille émission, essentielle au rayonnement de la production littéraire d’ici. En cette période de profonds bouleversements du paysage des télécommunications, on est en droit d’attendre de Josée Verner qu’elle fasse preuve d’audace et d’intelligence dans la (re)définition de la mission culturelle de Radio-Canada / CBC, dont elle sera bientôt appelée à choisir un nouveau directeur pour succéder à Robert Rabinovitch.

À défaut de tout cela, les artistes et autres travailleurs des milieux culturels continueront de considérer d’un œil suspect un gouvernement et un parti en apparence hostiles à leur cause.

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