Andrée A. Michaud : Le Pendu de Trempes

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C'est devenu un poncif de décrire Andrée A. Michaud comme l'auteure tourmentée de livres glauques et exigeants pour les lecteurs, elle qui, dans la vie, a le rire plutôt aisé : « Un ami qui a lu Le Pendu des Trempes m'a récemment fait plaisir en me disant que je ne prenais visiblement pas mes lecteurs pour des cons, raconte-t-elle. Oui, mes livres sont exigeants. Mais au-delà de cette exigence, il me semble qu'on y trouve une sorte de détente et que l'effort qu'ils demandent est récompensé par un plaisir équivalent. »

Persuadé d’être passé à côté de sa vie, Charles Wilson, le héros du Pendu des Trempes, retourne dans la petite localité où il a vécu son enfance. Qu’y cherche-t-il ? Ne sait-il pas que l’exhumation des souvenirs enfouis ne se fait pas sans risque ? Telles sont les prémices du sixième roman de la lauréate du Prix littéraire du Gouverneur général 2002 pour Le Ravissement (L’instant même). Romancière au style dense et sombrement poétique, créatrice d’atmosphères envoûtantes, Andrée A. Michaud échafaude depuis 1987 une œuvre éminemment personnelle, qui ne trouve guère de parenté dans la littérature québécoise contemporaine. Son travail lui a valu les accolades de ses collègues, même si jusqu’à tout récemment son visage n’était pas très connu du grand public.

Avec ou sans les pressions accrues par la réception du prestigieux prix, Andrée A. Michaud inscrit Le Pendu des Trempes dans le sillage du précédent roman : « Il est encore question, ici, de mémoire et folie. En fait, je vois Le Pendu… comme le versant obscur du Ravissement. » Impossible de ne pas sourciller en entendant une telle affirmation, quand on songe au caractère oppressant du Ravissement, qui racontait une histoire assez morbide d’enlèvements de fillettes : « C’est vrai, ce livre n’était pas gai, avoue l’écrivaine. Mais l’action se passait l’été, dans un coin de campagne aux arbres verts, avec des fleurs et tout plein de lumière. Et il y avait chez les personnages une quête du bonheur. Ce livre-ci est peint dans les couleurs de l’automne et de l’hiver ; il y a quelque chose de beaucoup plus lugubre. Ici, la quête origine d’un malheur présent dès le départ puisque le héros est convaincu d’être un raté. » Andrée A. Michaud ne sait pas trop comment ou pourquoi le thème de la folie, de la perte des repères rationnels et cartésiens est devenu récurrent dans son œuvre romanesque, qui flirte plus ou moins ouvertement avec la littérature fantastique : « Je ne dirais pas que Le Pendu… est un roman fantastique, pas plus que Le Ravissement, où j’explorais cette fragilité par laquelle n’importe qui risque de basculer dans son emprise. Un personnage fou présente davantage d’intérêt à mes yeux qu’un personnage platement normal. » Quoi ? Un roman où le héros s’entretient constamment avec un pendu n’appartient pas au fantastique ? « Oui, la majorité des événements qui surviennent dans le livre sont à la limite du surnaturel, mais seulement quelques-uns demeureront inexpliqués. Alors, mon goût pour l’inconnu joue certainement ici. Quoique je conçoive que l’on puisse écrire des livres magnifiques sur la réalité de tous les jours, personnellement, sur le plan strictement littéraire, je prends beaucoup plus de plaisir à explorer ce type d’univers. »

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