Aki Shimazaki : en toute discrétion

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Les éditions de poche Nomades nous offrent l’occasion en or de (re)plonger dans l’œuvre de la grande Aki Shimazaki, en rééditant la pentalogie « Le poids des secrets ». Si, malgré le succès critique et les nombreux prix qu’elle a reçus, l’auteure d’origine nipponne demeurant depuis 1991 à Montréal a fait peu parler d’elle, c’est en raison de sa grande discrétion. Préférant laisser ses œuvres se déployer de façon autonome, Aki Shimazaki s’impose avec force dans la littérature migrante québécoise.

La pentalogie « Le poids des secrets » regroupe cinq romans de moins de 150 pages – Tsubaki, Hamaguri, Tsubame, Wasurenagusa et Hotaru –, qui se caractérisent par un style sans fioriture, allant droit à l’essentiel, en maintenant toutefois une retenue exemplaire, caractéristique des mœurs japonaises. Il ne s’agit pas tout à fait d’une série – il est possible de les lire dans l’ordre ou dans le désordre –, mais plutôt d’un cycle romanesque composé de différents tableaux dont les personnages sont liés entre eux, dont les histoires, qui s’imbriquent les unes dans les autres, se déploient sur plusieurs générations et se laissent découvrir à coup de secrets familiaux dévoilés non sans grande émotion. Des histoires d’amour, d’enfants illégitimes, et encore d’amour. 

Dans « Le poids des secrets », on retrouve toujours ce Japon qui a subi la bombe nucléaire et dont les victimes parlent peu, ce Japon avec ses traditions, ses mariages imposés ainsi que ses tabous quasi impossibles à braver et ces liens forts entre petits-enfants et grands-parents. En utilisant comme toile de fond la guerre et le contexte politique du milieu des années du XXe siècle, Aki Shimazaki nous permet de revivre l’horreur du passé, sans pour autant donner une teneur dramatique à ses récits. Si tragédies il y a, c’est dans les concessions de cœur que font ses personnages qu’on les retrouve.

Effectivement, bien qu’il soit question de tromperie, d’adultère, voire de meurtre, l’essentiel de l’œuvre se retrouve plutôt dans les émotions que vivent les personnages, dont on découvre la voix de chacun à chaque nouveau roman. Chacun possède une motivation, souvent plus noble qu’en apparences, d’agir de la façon dont il le fait. Et chacun porte en lui un lourd secret dont le halo de mystère se réverbère dans l’écriture retenue de l’auteure. Cette écriture, c’est la marque de l’auteure, puisque rares sont les écrivains qui usent de si peu de mots, qui vont droit au but avec autant de classe. Écrits directement en français, ses romans sont depuis traduits dans une douzaine de langues. Quelques mots, et un glossaire bien sûr, persistent en japonais et donnent aux romans une touche d’exotisme et de profondeur. On ne le répétera jamais assez : il ne suffit que d’un seul Aki Shimazaki pour comprendre l’unicité de sa plume.  

Photo : © D. R. 

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