Des contes « revisités », pour les plaisirs du cœur et des yeux

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Les contes font la joie des peuples, toutes origines confondues, depuis des temps immémoriaux. Si comprendre leur signification dans le tissu social d'une civilisation n'est l'affaire que de quelques universitaires érudits, se laisser séduire par eux est à la portée de tous. Leur popularité et leur enseignement moral ont traversé les âges et les frontières, et nous ne comptons plus les multiples adaptations que certains de ces récits ont subies au fil des époques et des modes littéraires. C'est grâce à ces réécritures qu'ils sont demeurés vivaces et toujours aussi éloquents. Au même titre que le texte, l'illustration est un élément déterminant dans ces modernisations : elle décuple les possibilités de transformations et actualise son propos.

Quelques siècles nous séparent de son émergence et pourtant La Belle et la Bête nous est encore racontée comme si nous y étions. Voilà l’affaire d’un heureux mariage entre l’universel et la modernité que deux de nos créateurs québécois ont concocté avec bonheur. Nous l’attendions avec impatience et le voici, aussi sublime que nous l’avions espéré, sobre mais intense, aux tons de la palette de Stéphane Poulin et à la sensibilité vivifiante d’une histoire racontée par Dominique Demers : Annabel et la Bête (Dominique et cie) ne vous laissera pas indifférent et comblera vos petits amateurs de beauté et de tendresse !

Au chapitre des contes traditionnels, Le Petit Chaperon Rouge, de Susanne Janssen (Seuil), satisfera les esprits les plus exigeants en matière de modernité. Dépoussiérer les vieilles légendes, voici un défi qui ne donne pas froid aux yeux de cette conteuse illustratrice, digne représentante de l’art contemporain. Elle offre des images saisissantes, nouvelles et provocantes : littéralement décapant !

Plus sagement, la version de Boucle d’or & Les Trois Ours, de Rascal (École des loisirs), propose un univers docile mais non conformiste. Les contrastes du noir et blanc font écho au texte absent pour servir, dans une texture nouvelle, un conte ancien. Sa modernité suggère une autre façon de présenter et de raconter ; il invite même à bricoler !

Le folklore étranger offre également deux albums qui retiennent l’attention. Pourquoi les libellules ont le corps si long, de Stéphane Sénégas (Kaléidoscope) est la version remodelée d’un conte zaïrois. Les couleurs, la mise en page et l’enchaînement de l’action à effet « domino » sont autant de pistes qui révèlent l’identité souriante de nos congénères africains. Les Larmes de la libellule, de Jean-Charles Bernardini et Edmond Beaudoin (Mango), quant à elle, fait pénétrer dans l’univers fantastique japonais, où monstres laids et aimables côtoient une amoureuse ensorcelée, un seigneur tyrannique et un enfant en quête d’une chimère.

De même, les contes ancestraux ont inspiré des auteurs contemporains dont l’imagination fertile s’accommode bien à ce type de récits. Par exemple, les contes irrésistibles de Pierre Gripari (La Sorcière de la rue Mouffetard et autres contes de la rue Broca, Folio) sont formellement géniaux. Ayez la curiosité de les visiter, vous serez ravis. Du côté québécois, Daniel Mativat s’inscrit dans le registre des conteurs modernes. Avec son dernier-né, Le Duc de Normandie (Soulières/Graffiti), souffrez avec ce triste personnage ce qu’une vie de chien comporte de petits bonheurs impromptus et éphémères, et découvrez avec lui combien l’amour d’une gente damoiselle peut transformer une vie. Comique à souhait !

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