Camille Bouchard : Les voyages forment la jeunesse

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Camille Bouchard est tel un pigeon voyageur ; de chaque contrée foulée par ses pieds, l'écrivain natif de Forestville revient au pays l'esprit bourré d'images troublantes, le cœur empli du souvenir de rencontres magnifiques, les bagages emplis de carnets de voyage. De retour au bercail, dans le calme propice à l'écriture, l'auteur de La Déesse noire et de sa suite, Les Tueurs de la déesse noire, replonge dans ses cahiers, s'imprègne d'impressions griffonnées devant une pyramide ou à bord d'une felouque, et en tire un récit traversé par les thèmes de l'Ailleurs, de la différence.

Infatigable globe-trotter, Camille Bouchard, qui s’apprêtait à partir pour le Pérou et la Bolivie lors de notre entretien, a parcouru maints endroits exotiques. Le choc des cultures constitue donc naturellement le pivot de son œuvre. Les deux tomes de La Déesse noire se déroulent successivement en Inde et au Québec. Ils racontent comment Julien, 12 ans, est enlevé et emmené en Inde par des adorateurs de Kali, une divinité associée à la mort et à la destruction servie par une bande d’assassins, les thugs, qui sont persuadés que le jeune ado est la réincarnation du démon Raktabija, qui cherche à détruire le monde : «  L’histoire des thugs est vraie. Même s’ils n’existent plus officiellement depuis le XIXe siècle, il y a toujours un culte de Kali. Par contre, on ne sacrifie plus d’humains au cours de cérémonies rituelles, mais des animaux. Sur Internet, on trouve plusieurs sites dédiés à Kali : il y a des gens qui abandonnent tout pour se consacrer à ce culte. Cette déesse est encore très vénérée, et pas juste par les Indiens ! », lance Camille Bouchard. Avec plus d’un million de divinités, le panthéon hindou est si complexe que le romancier a dû débroussailler le terrain pendant plusieurs semaines avant de commencer l’écriture du premier tome de la série, qui se poursuivra sans doute dans un troisième volet et s’adresse aux lecteurs aguerris âgés de 10 ans et plus :

« La mythologie hindoue est spectaculaire : elle ressemble à l’heroic fantasy. Lorsque je raconte aux jeunes la légende de Raktabija, j’ai l’impression de raconter un épisode du Seigneur des anneaux, avec tous ces monstres qui se battent et ces éléments fantastiques comme le sang qui tombe et empoisonne la déesse », constate Bouchard.

L’enfant-roi

Qu’on cite La Caravane de 102 lunes et La Marque des lions, romans d’aventures se déroulant en Afrique, ou L’Intouchable aux yeux verts, qui se passe lui aussi en sol indien, l’auteur n’a qu’un fer de lance : les enfants, tous, mais d’abord ceux atteints de déficience mentale ou abusés, qui le touchent profondément. Écrivant tant pour les jeunes (Des étoiles sur notre maison, Lune de miel, Derrière le mur) que pour les ados (Le Ricanement des hyènes, Les lucioles, peut-être) et les adultes (Les Petits Soldats, Les Enfants de Bangkok, Les Enfants de chienne, Des larmes mêlées de cendres), Camille Bouchard voit ses livres applaudis par la critique et dévorés par les lecteurs. Il y a de quoi être fier, d’autant plus que la bibliothèque de sa ville natale porte son nom depuis 2001 ! Sur le territoire de la Belle Province, l’écrivain s’implique d’ailleurs activement dans le programme « Les Écrivains à l’école » et rencontre régulièrement des élèves. À l’étranger, il parraine de jeunes défavorisés. C’est dire l’importance qu’ont les jeunes pour Camille Bouchard qui, par le truchement de ses histoires, aimerait léguer une perception du monde plus juste :

« Quand je leur raconte que pour certains jeunes de leur âge, le premier souci, en se levant le matin, est de savoir ce qu’ils vont manger aujourd’hui, ça les frappe beaucoup, explique-t-il. Les jeunes manquent d’information par rapport à ça. (…) C’est un problème qui est dû à la société de consommation. Il faut revenir de voyage pour le constater. Il y a toujours un blues quand on revient ; on prépare beaucoup notre voyage, mais pas notre retour. On passe un mois à vivre des relations humaines intenses, à vivre comme eux, à manger ce qu’il y a, à se laver quand il y a de l’eau, et on revient d’un coup sec. Je me suis déjà retrouvé dans un centre d’achats, paniqué par tous les trucs inutiles autour de moi. C’est cette prise de conscience que je voudrais apporter aux jeunes : on a beaucoup de biens, mais ce n’est que du matériel. »

Bibliographie :
La Déesse noire et Les Tueurs de la déesse noire, Boréal, coll. Inter, 135 p. et 163 p., 9,95 $ ch.
L’Intouchable aux yeux verts, Hurtubise HMH, coll. Atout, 175 p., 12,95 $
La Caravane des 102 lunes et La Marque des lions, Boréal, coll. Inter, 200 p. et 112 p., 10,95 $ et 9,95 $

Pour tout savoir sur l’auteur, consultez le site officiel : www.chez.com/camillebouchard

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