À surveiller :

Swing Time
Zadie Smith (Gallimard)
L’auteure jamaïco-anglaise, en fine portraitiste des sentiments, nous entraîne dans un roman d’apprentissage grâce à l’histoire de deux filles métisses, qu’on rencontre d’abord dans un quartier populaire de Londres lors d’un cours de ballet. Fusionnelles, bien que de caractère opposé, elles grandiront ensemble jusqu’à ce que leur chemin les sépare pour un temps. De belles et grandes réflexions saluées par la critique anglaise sur l’identité, le racisme et la gloire.  

 

Les chants du large
Emma Hooper (Alto)
Dans ce roman à l’ambiance brumeuse et poétique, l’auteure d’Etta et Otto (et Russell et James) nous invite à la rencontre d’une famille insulaire confrontée à la désertion de son village, d’abord par les poissons, puis par les habitants. Si les parents doivent mensuellement alterner entre leur présence au village et un emploi en Alberta, les enfants, eux, restent. Pour se désennuyer, la fillette transforme les maisons délaissées aux couleurs des pays qu’elle découvre grâce à la lecture assidue de guides de voyages; son frère, lui, se donne comme mission de faire revenir les poissons. Toujours, dans ce roman, la mer et sa force, la mer et son impact, la mer et ces gens qui tentent d’y vivre contre vents et marées.

 

Khalil
Yasmina Khadra (Julliard)
La littérature n’en a pas fini de fouiller les motivations des kamikazes, de nous entraîner dans les pensées de ces jeunes qui se voient embrigadés. Khadra plonge ici dans les pensées d’un Belge d’origine marocaine qui, fréquentant de plus en plus d’intégristes, se laisse convaincre de porter une ceinture à explosifs sur une rame du RER. Mais voilà : au moment choisi, rien n’explose… sauf les questionnements de Khalil qui ne sait plus quoi penser de tout cela et qui remettra alors tout en question.

 
 

Asta
Jón Kalman Stefánsson (Grasset)
L’auteur de D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds revient avec un roman familial à la narration morcelée et dont l’histoire se déroule dans les années 50, en Norvège et à Vienne. À travers la narration poétique de Stefánsson, on découvre Asta, jeune fille dont la vie titube entre traitement psychiatrique et études théâtrales, mais aussi son père, en parallèle, qui est tombé d’une échelle et est cloué au sol à se remémorer les moments charnières de sa vie. Une plongée intime dans des histoires de résiliences, traitées avec sobriété.

 

Forêt obscure
Nicole Krauss (L’Olivier)
On attend avec curiosité le Krauss nouveau, qui fait l’étalage de deux histoires de réalisation de soi. D’un côté, il y a cet homme de 68 ans qui, pour des raisons nébuleuses, ressent ce besoin urgent de se départir de ses biens, de quitter New York et de se rendre à Tel-Aviv, non sans laisser ses enfants inquiets. De l’autre, il y a une jeune et réputée romancière qui quitte sa famille et Brooklyn pour Tel-Aviv, où un professeur de littérature retraité lui proposera un projet mystérieux qui aura un grand impact sur sa vie. À suivre! 

 

Une maison parmi les arbres
Julia Glass (Gallmeister)  
Un auteur jeunesse grandement réputé vient de mourir et lègue à son assistante – et confidente qu’il connaît depuis près de quarante ans – sa maison et la gestion de son patrimoine artistique. Inspiré de Maurice Sendak, le personnage décédé semble pourtant avoir camouflé certaines parcelles de son passé que la jeune femme ne connaissait pas et qu’elle sera amenée à découvrir à force de rencontres et de recherches pour honorer les dernières volontés de l’auteur. Ceux qui aiment les narrations qui font davantage place aux émotions qu’aux grandes péripéties seront ici servis!

 

La seule histoire
Julian Barnes (Mercure de France)
Le premier amour du protagoniste de Julian Barnes dans La seule histoire aura été puissant, et marquant. À 19 ans, Paul rencontre Susan, 48 ans, mariée et mère. Leur amour grandira, et s’ils décideront de le vivre au grand jour, cela aura comme répercussion de lever le voile sur l’alcoolisme de Susan. Mais… Paul a 30 ans et sa jeunesse est maintenant derrière lui. A-t-il fait les bons choix? La grande question de Barnes : « Vaut-il mieux avoir aimé et perdre ou ne jamais avoir aimé? »

 

Le mars club
Rachel Kushner (Stock)
Dans la sélection du Man Booker Prize 2018 (dans sa version originale), Le Mars Club de Rachel Kushner ne laissera sûrement personne indifférent : une plongée au coeur des détenues d’une prison pour femmes, sous l’angle de Romy, 29 ans, qui purge une peine de réclusion à perpétuité pour avoir tué un homme qui la harcelait. Ce qui viendra assurément toucher le lecteur : Romy a un fils, de qui elle tente tant bien que mal de prendre soin à distance. Amateurs d’Unité 9 et d’Orange Is the New Black, vous serez servis.

 

Un monde à portée de main
Maylis de Kerangal (Verticales)
Avec l’écriture précise et fourmillant de détails de Maylis de Kerangal, on plonge dans le monde de la peinture en suivant le destin de Paula Karst, de ses études à l’Institut supérieur de peinture — marquée par de fortes amitiés — où elle découvre les mystères des textures, jusqu’à son embauche dans le projet de reconstitution de la grotte de Lascaux. Un hymne à une vie entièrement dédiée à l’art.

 

La maison golden
Salman Rushdie (Actes Sud)
On surveillera aussi le Salman Rushdie nouveau, qui plonge en pleine contemporanéité avec une histoire de quête identitaire à travers pop-culture et septième art : à Greenwich Village, New York, un cinéaste cherche l’inspiration. Il la trouvera en choisissant d’approfondir la fascination qu’exercent sur lui ses nouveaux voisins : les Golden, qui vivent une existence peu ordinaire, meublée par le chaos et les mystères.

 

 

Les grands noms attendus
Si on ne vous parle pas du Henning Mankell, du Catherine Poulain, du Pascal Bruckner, du Alexandre Jardin, du Jeffrey Eugenides ou du Haruki Murakami prochains tout de suite, c’est que leur parution se fera plus tard à l’automne. En attendant, voici tout de même plusieurs idées pour meubler vos moments de lecture!

Elle ouvre le bal chaque année : Amélie Nothomb ne fait pas faux bond pour 2018, cette fois avec Les prénoms épicènes (Albin Michel) dont l’extrait dévoilé va comme suit : « La personne qui aime est toujours la plus forte. » Chez le même éditeur, Joann Sfar s’attaque aux questions de harcèlement sexuel, alors qu’un professeur des Beaux-Arts est plongé dans les revendications et les dénonciations de comportements inadéquats. C’est pour lui l’occasion de proposer sa propre version du débat contemporain (Modèle vivant). Jérôme Ferrari est également de ceux qui retiennent notre attention avec À son image (Actes Sud), l’histoire d’une photographe décédée qui a immortalisé la parcelle insulaire dont elle est originaire, mais aussi l’ex-Yougoslavie; prétextes pour l’auteur pour aborder les thèmes du nationalisme corse et des guerres modernes, pour aborder l’étrange lien qui unit le réel et la mort. On attend également impatiemment le prochain Christine Angot, Un tournant de la vie (Flammarion), dont on sait encore bien peu de choses au moment d’écrire ces lignes. Et finalement, Éric Fottorino avec Dix-sept ans (Gallimard), un roman personnel sur la quête identitaire, alors qu’une mère révèle à ses fils la souffrance qu’elle porte en elle depuis des années.

À lire aussi 
Nuit sur la neige, Laurence Cossé (Gallimard)
Deux mètres dix, Jean Hatzfeld (Gallimard)
L’hiver du mécontentement, Thomas B. Reverdy (Flammarion)

Des premiers romans à surveiller
Une chose est certaine, Inès Bayard s’est attelée à tout un sujet pour son premier roman, Le malheur du bas (Albin Michel) : l’histoire d’une femme qui a été violée par son patron et qui choisit de ne pas en parler à son mari, et ce, même si elle tombe enceinte et ignore si l’enfant est de son amoureux ou de son violeur… Pour devenir la « femme de la situation », elle trouvera une solution finale et sans appel… Du côté de Philipp Winckler, dont la version originale de son premier roman, Hool, connaît déjà un succès monstre avec ses milliers d’exemplaires vendus (et sélectionné pour plusieurs prix et sous option d’adaptation pour un long métrage), c’est chez Fleuve qu’on lira cette histoire en français : celle d’un homme colérique qui aime profondément se battre sur les terrains vagues, avec ses « frères de cœur ». L’écriture d’Hector Mathis est quant à elle musicale, incisive, nerveuse et vivante : elle plaira aux amoureux de slam. Dans K.O. (Buchet/Chastel), on suit un couple qui traversera l’Europe, côtoyant au passage jazzmen précaires, imprimeurs oulipiens et plusieurs formes de chaos. Avec Meryem Alaoui chez Gallimard dans La vérité sort de la bouche du cheval, on explore les thèmes du cinéma et de la prostitution, dans un Maroc dévoilé par son « petit peuple ». Du côté des éditions Sabine Wespieser, c’est Rien d’autre sur terre de Conor O’Callaghan qui a retenu notre attention avec cette histoire étrange d’une gamine, apeurée par la disparition de son père, qui va chercher de l’aide auprès du prêtre du village irlandais dans lequel elle vient d’atterrir en cet été caniculaire.

À lire aussi
Les nougats, Paul Béhergé (Buchet/Chastel)
Je suis quelqu’un, Aminata Aidara (Gallimard)
Mauvaise passe, Clémentine Hanel (Gallimard)
Wild Side, Michael Imperioli (Autrement)
Pervers, Jean-Luc Barré (Grasset)
Les exilés meurent aussi d’amour, Abnousse Shalmani (Grasset)
Anatomie de l’amant de ma femme, Raphaël Rupert (L’Arbre vengeur)

Plonger dans la vie de femmes
Carole Fives
est rarement sous les feux des projecteurs, et pourtant. Son œuvre détonne tout autant qu’elle étonne. Et si vous aviez apprécié son crescendo narratif dans Une femme au téléphone, vous l’apprécierez également dans Tenir jusqu’à l’aube (Gallimard), alors qu’une mère célibataire d’un bambin de 2 ans se permet, pour retrouver de temps à autre un souffle de liberté, des escapades nocturnes, de plus en plus éloignées, et nous ouvre les portes de toutes les contradictions qui l’habitent. J. M. Coetzee s’attarde aussi au personnage maternel, cette fois avec une écrivaine, face à la vieillesse et à la diminution de ses capacités mentales, dans L’abattoir de verre (Seuil). Si ses enfants la conjurent de venir vivre près d’eux, elle refuse, préférant la liberté qu’offre la solitude face à cette étape de la vie. Que laisse-t-on derrière soi? Que transmet-on à ceux qu’on aime? Une belle leçon de littérature offerte par Coetzee! Mais leurs yeux dardaient sur Dieu fait partie des tout premiers romans écrits par une Afro-Américaine, soit Zora Neale Hurston. Zulma nous en offre ici une traduction inédite, nous plongeant dans l’histoire de Janie, qu’on découvre dès ses 16 ans, alors qu’elle a soif de liberté, soif que la vie prenne son envol, mais qui prendra toute une vie pour vivre une émancipation totale; au final, c’est un vaste portrait d’une femme déterminée. Aliénor d’Aquitaine, cette femme perçue soit comme traîtresse soit comme héroïne, est au cœur du roman La révolte (Stock), de Clara Dupont-Monod. On découvre toute la force et la persévérance de cette femme, par le biais de son fils, Richard Cœur de Lion, qu’elle tente de monter contre son père pour prendre sa vengeance. Une belle façon de revisiter l’histoire. 

À lire aussi
Les heures rouges, Leni Zumas (Presses de la Cité)
Onze jours, Léa Carpentier (Gallmeister)
Miss Jane, Brad Watson (Grasset)

À la guerre comme à la guerre
Loin d’une histoire où on assiste à la mort d’une ville sous la brutalité guerrière, Miss Sarajevo, d’Ingrid Thobois (Buchet/Chastel) nous transporte dans l’intimité profonde qui fait le souffle de Sarajevo : ses gens qui veulent y vivre, y aimer, y être libres. Avec Michel Heurtault et Ce cœur qui haïssait la guerre (Albin Michel), on explore la complexité de l’engagement et de la neutralité au lendemain de la Grande Guerre, par le biais d’un ingénieur allemand qui préfère les étoiles aux obus, sans se rendre compte que parfois, ils sont plus reliés qu’on ne le croirait si une fusée devient arme. Chez Mémoire d’encrier, on surveillera l’arrivée d’un nouvel auteur pour la maison, soit le Torontois Steven Heighton – qui a déjà fait ses marques dans le milieu littéraire –, avec Le rossignol t’empêche de dormir. On y suit l’histoire d’Elias Trifannis, qui s’enrôle pour l’Afghanistan. Concours de circonstances, il se retrouve réfugié dans une zone interdite où il y découvrira des êtres meurtris mais riches d’humanité. La presse anglophone a d’ailleurs maintes fois souligné la qualité de la plume de cet auteur.

Vents de liberté
Roman empreint d’un grand érotisme, Désirée Fe (Zoé Valdés, éditions Arthaud) nous plonge dans la vie d’une adolescente à un moment charnière de sa vie, amoureuse comme identitaire. C’est l’histoire du désir, l’histoire de la liberté : celles du corps, celles du quotidien, celles des choix politiques. Désirée, 16 ans, demeure à La Havane et adore la plage. Elle a un copain, mais rencontrera un nouvel homme qui voudra enfin lui faire l’amour, qui lui fera découvrir les joies d’une vie qu’elle ne soupçonnait pas, qui lui ouvrira les yeux sur la politique en cours. Avec Nina Bouraoui dans Tous les hommes désirent naturellement savoir (JC Lattès), on plonge sous trois angles – se souvenir, devenir, savoir – dans la jeunesse de l’auteure, au cœur des années 80 alors que plusieurs soirs par semaine, elle sort et traque les origines de la violence et du désir.

À lire aussi 
Babylone Express, Mathilde-Marie De Malfilâtre (Le Dilettante)

Petit tour du monde à dos de roman
Avec l’auteur belge Stefan Brijs, on visite le côté pauvre et corrompu des Caraïbes à bord d’un taxi, en 1961, dans Taxi Curaçao (Héloïse d’Ormesson). Avec l’historienne Emmanuelle Pirotte, on plonge en 1660, en Nouvelle-France, alors qu’un Parisien part sur les traces d’un bijou de saphir aperçu au cou d’une Amérindienne. Un roman d’aventures à la Jack London, à lire dans Loup et les hommes (Cherche midi). Chez Zulma, on visite la Malaisie grâce au pétillant et joyeux La somme de nos folies de Shih-Li Kow : un roman-chronique qui fait le portrait d’un petit village bordé d’eau et habité par des personnages hauts en couleur, tous plus intéressants les uns que les autres. Avec Personne n’est obligé de me croire (Buchet/Chastel), salué par le prix Herralde, on a droit à un roman noir où les mises en abyme sont nombreuses et où à la mafia n’est pas loin. Du Mexique à l’Espagne, Juan Pablo Villalobos entraîne son lecteur sans faux pas.

À lire aussi 
La Belle de Casa, In Koli Jean Bofane (Actes Sud)
Ne m’appelle pas Capitaine, Lyonel Trouillot (Actes Sud)
La papeterie Tsubaki,Ito Ogawa (Éditions Philippe Picquier)

Pour les amateurs d’introspection et de remises en question
Dag Solstad, auteur norvégien qui dissèque la conscience avec brio et qui a reçu moult prix durant sa carrière, revient avec Onzième roman, livre dix-huit (Noir sur Blanc), l’histoire d’un homme qui, à 50 ans et après plusieurs choix de vie qu’il a cru faire pour augmenter son bonheur (notamment laisser sa famille pour sa maîtresse et déménager en province), se désillusionne complètement, se sentant entouré de coquilles vides. Mais voilà, il tentera de se prendre en main… Notez que ce roman, déjà traduit en vingt-trois langues, est préfacé par Haruki Murakami. Chez Albin Michel, on souligne la parution de Nous, les vivants d’Olivier Bley :un pilote d’hélicoptère se trouve coincé dans les Andes, à 4 200 mètres d’altitude, alors qu’il ravitaillait ce drôle de personnage qu’est le surveillant de la frontière entre l’Argentine et le Chili. Dans la solitude des montagnes, bien des certitudes peuvent être ébranlées… Le narrateur de Le chien rouge (Buchet/Chastel), de Philippe Ségur, se sent aliéné par la vie qu’il vit, par son métier autant que par ses contemporains. Alors qu’il a craqué, il décide de se prendre en main et de se réfugier plusieurs mois dans les bois, seul. Son objectif : aller au bout de lui-même et se confronter. Dans Ce que l’homme a cru voir de Gautier Battistella (Grasset), on assiste au parcours initiatique de Simon qui retourne sur les lieux qui l’ont vu grandir et où un drame a eu lieu, vingt-ans plus tôt. Un roman sur la culpabilité et l’enfance, mais surtout sur la mémoire : peut-on effacer son passé, mais surtout, l’oublier?

À lire aussi
Le retour du Phénix, Ralph Toledano (Albin Michel)
La femme de Dieu, Judith Sibony (Stock)
La maison de ruines, Ruby Namdar (Belfond)

Des personnages homosexuels mis de l’avant
En 1970, à 11 ans, Ijeoma quitte son village du Biafra en raison de la guerre civile pour se réfugier dans un village voisin, là où elle rencontrera Amina, orpheline de qui elle tombera amoureuse. Ce roman d’apprentissage signé Chinelo Okparanta et intitulé Sous les branches de l’udala (Belfond) démontre le combat d’une jeune fille envers elle-même et ses semblables pour vivre son homosexualité, dans un pays où le tout est un crime. Aux Escales, l’auteur à surveiller cette saison est Rabih Alameddine, avec L’ange de l’histoire. L’auteur nous présente un personnage torturé entre l’abandon de la vie et le plongeon dans son passé, alors qu’il est dans un hôpital psychiatrique. De quel passé parle-t-on? Celui de son enfance dans un bordel égyptien et de sa vie d’adulte, homosexuel, dans le San Francisco des années 1980 et de l’épidémie de sida. Alan Hollinghurst est réputé pour sa prose littéraire, ses descriptions explicites et pour son talent à mettre en scène la montée du désir chez ses personnages. Son nouveau roman, L’affaire Sparsholt (Albin Michel) fait place à ces trois aspects, en nous ramenant en 1940, à Oxford, alors que l’homosexualité est encore criminalisée. L’histoire tourne autour de David Sparsholt, dont la beauté est au centre de toutes les conversations. L’auteur anglais – également professeur de littérature à Oxford – prend ce prétexte pour explorer les limites de ce que peut un corps, de ce que la beauté peut donner comme pouvoir sur les autres. Il traite également de la honte dans une démarche identitaire qui va à contre-courant.

Des livres primés
Madeleine Thien
a remporté, notamment, le Prix Giller de la Banque Scotia et celui du Gouverneur général pour le roman Nous qui n’étions rien, qui sera offert chez Alto dans une traduction de Catherine Leroux en octobre. Si ce livre est fort attendu, c’est qu’il nous transporte dans la Chine, des années 30 jusqu’à maintenant, alors qu’une femme reconstitue l’histoire de deux familles d’artistes qui se sont connues durant la Révolution culturelle de Shanghai. Les livres de Jakób d’Olga Tokarczuk (Noir sur Blanc), lauréate du prix Nike (équivalent polonais du Goncourt), proposent une grande épopée (en 944 pages!) du XVIIIsiècle à travers les yeux de différents personnages, mais dont le regard est porté sur un seul homme – Messie ou traître selon les visions : Jakób Frank.

Quand des célébrités reprennent vie
La tristesse des femmes en mousseline (Jean-Daniel Baltassat, Calmann-Lévy) nous transporte à Paris, en 1945, aux côtés de Paul Valéry, vieux et solitaire qui cherche des parcelles d’humanité dans le monde. Il redécouvrira un carnet hérité de sa jeunesse, celui de la peintre Berthe Morisot, et redécouvrira ainsi ce que « beauté » peut signifier au sein de ces temps durs. Yann Queffélec, le goncourisé des Noces barbares, relate dans le récit nommé Naissance d’un Goncourt (Calmann-Lévy) son histoire, alors qu’à 26 ans, marin de métier, il rencontre Françoise Verny, personnalité de l’édition française. Dans Janet (JC Lattès), Michèle Fitoussi s’attaque quant à elle à la mère du journalisme littéraire (bien avant Capote et Wolfe, oui, oui!) : Janet Flanner, correspondante du New Yorker à Paris des années 20 à 70, féministe, déterminée, efficace, qui signa des portraits de Hitler et de De Gaulle, qui croisa Ernest Hemingway, Sylvia Beach et les auteurs de la Lost Generation. Adrien Bosc prend quant à lui, dans Capitaine (Stock), le prétexte de la traversée de Marseilles vers les États-Unis en 1941 alors que plusieurs fuient la guerre – surtout les écrivains surréalistes et les artistes décadents –, pour faire se croiser André Breton, Claude Lévi-Strauss, Anna Seghers et bien d’autres, le temps d’une grande aventure. L’actrice Maria Schneider reprend vie sous la plume de sa cousine, Vanessa Schneider, dans Tu t’appelais Maria Schneider (Grasset), alors que l’auteure y dévoile cette femme qu’elle a connue sous tous ses angles, droguée comme guérie, belle comme blessée. Une plongée percutante dans les années 70, dans les méandres de ce que le cinéma a de bon comme de tordu. Ce roman revient également sur cette fameuse scène de viol dans Le dernier tango à Paris avec Marlon Brando, scène où le scénario n’avait pas été suivi… Et finalement, on attire votre attention sur ces naufragés de La Méduse qui reprennent vie dans À ce point de folie, un roman signé Franzobel (Flammarion).

À lire aussi 
Elsa mon amour, Simonetta Greggio (Flammarion)
J’aimerai André Breton, Serge Filippini (Phébus)

Pour les amoureux de la nature
Elena Tchijova
revient sur un thème qui lui est cher – la relation au passé – avec La planète des champignons (Noir sur Blanc), où on découvre deux personnages que tout oppose (un traducteur englouti dans une routine et une femme d’affaires combattante), mais qui ont comme point commun d’avoir partagé le même territoire de leur enfance, grâce à leur chalet qui sont voisins, dans la campagne au nord de la Russie. Six jours pour un retour à la nature en leur compagnie, alors qu’on découvre un coin de pays comme on en voit peu, tout en rusticité et en authenticité. Richard Powers nous invite quant à lui dans une « éco-fiction » avec L’arbre monde (Cherche midi), où il est question de la communication entre les arbres et de leur importance, encore plus marquée à l’heure où tous plongent dans le monde virtuel. 

Histoires de famille
Cette maison est la tienne (Calmann-Lévy), premier roman de Fatima Farheen Mirza, ouvre la porte sur des sœurs, réunies à l’occasion du mariage de l’aînée alors que la cadette – la plus rebelle – n’avait pas donné signe de vie durant trois ans. Ces retrouvailles sont le prétexte parfait pour nous présenter leurs souvenirs, les défis que cette famille a dû surmonter : issues de parents indiens chiites mais nées en Californie, pour elles, la tradition et la modernité sont en constant combat. Fait intéressant sur ce livre : il est issu de la collection de « Random House » dirigée par l’actrice et maintenant éditrice Sarah Jessica Parker. Un titre dont on dit déjà le plus grand bien et sur lequel on attire vivement votre attention est Avec toutes mes sympathies (Stock), un récit signé par la chroniqueuse littéraire française Olivia de Lamberterie qui livre un témoignage bouleversant sur la vie de son frère, qui a vécu au Québec, et qui s’est suicidé. Un prétexte pour revisiter leur enfance, dans les années 60; un roman sans pathos bourré d’amour. Le plus récent livre de Laurent Seksik, Un fils obéissant (Flammarion), est également son plus personnel. Il retrace la relation – belle, stimulante, bienveillante – qui l’a uni toutes ces années à son père, un homme qu’il a toujours trouvé remarquable.  

À lire aussi 
Sergent Papa, Marc Citti (Calmann-Lévy)
Le Guetteur, Christophe Boltanski (Stock)
Les billes du Pachinko, Elisa Shua Dusapin (Zoé)

Petit tour à travers les époques
Avec Concours pour le paradis de Clélia Renucci (Albin Michel), le lecteur sera plongé en 1577, alors que le palais des Doges et son illustre fresque du paradis brûlent. Immergé dans l’univers de l’art pictural, le lecteur assistera à ce grand concours annoncé pour remplacer l’immense toile et verra les plus grands y être conviés : Véronèse, Tintoret, Palma le Jeune, Bassano et Zuccaro. Avec l’auteur Antonin Varenne, on plonge plutôt dans le Paris de 1900, aux côtés d’une journaliste du New York Tribune qui débarque à Paris pour couvrir l’Exposition universelle. À ses côtés, on revit le bouillonnement de cette période, on assiste aux questionnements technologiques, humanistes et féministes de ce début de siècle. À lire dans La toile du monde (Albin Michel).

Des traductions à surveiller
György Dragomán
est un auteur hongrois reconnu et c’est dans Le bûcher (Gallimard) qu’on vous propose de le découvrir. Entre réel et fantastique, ce roman nous met devant l’étrange relation qui unit Emma, 13 ans, et une femme qui se dit sa grand-mère et qui l’accueille chez elle, alors que la Roumanie vient de se libérer de son dictateur. Mais dans cette maison, la vieille dame y pratique aussi la sorcellerie, afin de trouver le courage d’affronter la terreur qui règne dans le climat politique de cette époque. Chez Actes Sud, on s’arrête sur Première personne, de l’auteur australien Richard Flanagan, où on suit un écrivain qui quitte la Tasmanie et sa femme enceinte de huit mois pour joindre l’éditeur pour qui il a rédigé les mémoires de Siegfried Heidl, un célèbre escroc de l’histoire australienne. Mais rien n’ira comme il le souhaite… Avec Tadzio Koelb et Made in Trenton (Buchet/Chastel), on suit un personnage féminin, dont on comprendra dans un second temps les motivations, qui se fait passer pour un homme dans une petite ville de cols bleus, en 1946.

À lire aussi
Le cœur converti, Stefan Hertmans (Gallimard)

 
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