Réexplorer le vaste monde grâce à la machinerie formidable de l’imaginaire

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Nul doute, Jean-Marie Blas de Roblès est un lecteur attentif de l’œuvre de Jules Verne, et son propre univers, sans platement imiter celui du maître, semble y répondre, établissant l’un de ces dialogues littéraires qui défient le temps, rédigeant sur des pages déjà couvertes de mots, une missive audacieuse.

Les parallèles et les ponts à établir entre le plus récent roman de Blas de Roblès, L’Île du Point Némo, et la totalité des aventures relatées par Verne sont légion. Toutefois, afin de nous prêter à l’exercice ici proposé, nous nous en tiendrons à ce classique intemporel qu’est Le tour du monde en 80 jours. Il faut d’abord dire que l’œuvre de Blas de Roblès est totale, contenant une infinité d’histoires qui se télescopent et s’entrecoupent, refusant de se confiner à une seule intrigue linéaire comme Verne le fait dans la sienne. Si plusieurs de ces récits ne présentent aucun lien avec Le tour du monde en 80 jours, la trame narrative principale de L’Île du Point Némo fait directement référence à ces maîtres du roman d’aventures que sont Jules Verne, Arthur Conan Doyle, Raymond Roussel, pour ne nommer qu’eux. Jugez-en vous-même : le personnage de Roussel (ici repris par Blas de Roblès), Martial Canterel, dandy excentrique et richissime, inventeur génial (et accessoirement opiomane), se lance à la recherche d’un énorme diamant dérobé à son ancienne amante, Lady MacRea. En compagnie de cette dernière, de Shylock Holmes (érudit et soiffard de luxe) ainsi que de son énigmatique majordome Grimod de La Reynière, Canterel s’embarque pour une épopée rocambolesque autour du monde.

Les deux œuvres se rejoignent d’abord par leur aspect feuilleton, impératif commercial dans le cas de Verne, choix esthétique dans celui de Blas de Roblès. Chacun des chapitres ne manque ainsi jamais de se conclure sur un élément de suspense afin d’attiser l’intérêt du lecteur. On peut également rapprocher les personnages du Tour du monde de ceux du Point Némo. Qui ne se souvient pas de Phileas Fogg, gentleman au flegme légendaire ayant accepté le pari de faire le tour du monde en 80 jours en compagnie de l’ingénieux Passepartout? Martial Canterel n’a peut-être pas la droiture de Fogg, mais il a son intelligence et son audace. Passepartout n’a pas la carrure de Grimod, mais il ne manque jamais de protéger son maître d’un danger quelconque. Et n’oublions pas Fix, l’inspecteur pourchassant Fogg, qui prend ici une forme beaucoup plus déplaisante en la personne du bien nommé Litterbag. Ces deux auteurs sont inspirés par toutes les curiosités que contient l’Histoire, nourris par les progrès techniques de leur temps et animés d’une foi sans borne pour le genre humain (tout en étant capables de désigner ce qu’il a de plus abject). Mais avant de partager tous ces points communs, Verne et Blas de Roblès se rejoignent dans cette volonté de montrer ce que le monde a de plus étonnant, de faire voyager et découvrir un univers sans cesse à réexplorer parce qu’en perpétuel changement. Et quel plaisir pour les lecteurs avides d’aventures que nous sommes!

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