Marc Levy: Mon fantôme d’amour

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Plus populaire que Gavalda ou Grangé, Marc Levy est l'auteur français ayant vendu le plus de livres au cours des cinq dernières années. Paru en 2000, Et si c'était vrai…, son premier roman, a fait de lui une star instantanée. Traduite en 33 langues, cette comédie romantique ne devait pas connaître de suite. Arthur et Lauren se sont aimés dans des conditions inusitées, se sont désunis bien malgré eux et puis voilà, c'est fini. Mais Levy croit aux secondes chances et aime que ses personnages soient heureux, ne serait-ce qu'une seule fois dans leur vie. Dans Vous revoir, il explore plus avant la métaphysique des rencontres et accorde aux amoureux un rêve inaccessible : repartir à zéro.

Le paradoxe Levy

Boudé par la critique, chéri du public, Marc Levy constitue un phénomène de librairie. «Notre Dan Brown à nous», titrait Livres Hebdo en juin dernier. En France seulement, 4,4 millions d’exemplaires de ses quatre premiers opus, tous formats confondus (Et si c’était vrai…, Où es-tu?, Sept jours pour une éternité…, La Prochaine Fois), ont trouvé preneur. Au Québec, son étoile brille aussi très intensément. Il suffit de fureter autour des stands des éditions Robert Laffont et Pocket pour constater l’engouement que provoque l’ancien architecte et directeur d’une boîte d’informatique aux États-Unis, régulièrement présent aux salons du livre de Montréal et de Québec. Les puristes reprochent à Levy un style sans fioritures, des récits rose bonbon et, à la limite, sa belle gueule, qui fait tourner les têtes. À propos de ces littéraires, notamment Frédéric Beigbeder, Marc Levy explique, une pointe de sarcasme dans la voix : «Mon père m’a appris une chose qui m’a beaucoup servi: dans le cerveau, plus l’ego pousse, moins il laisse de place à l’humour. Alors je l’ai écouté et j’ai laissé toute la place à l’humour.» Et vlan! Alors qu’éditeurs et libraires d’ici et d’ailleurs se réjouissent de ces lecteurs «d’un livre par année» qui, autrement, n’auraient jamais franchi la porte de leur commerce, l’auteur-vedette n’a que faire de ces chamailleries; il préfère l’affection des lectrices aux prix pompeux. En somme, les contes de fées de Marc Levy constituent le reflet de son parcours d’auteur, que plusieurs lui envient, et ce, quoi qu’en disent les plus mal intentionnés…

Au-delà du réel

«Je trouve que l’une des forces du roman sont les mots qui provoquent l’imaginaire. Je suis très amoureux de la liberté, raconte Levy. L’imaginaire, c’est cette petite chose en plus que le roman a que le cinéma n’a pas, et qu’il impose immédiatement: une image. Quand on a la chance de travailler sur des mots, je trouve que cela vaut la peine de se donner du mal pour provoquer des images, des personnages dans l’esprit des lecteurs.» Passionné de cinéma (il réalisera bientôt son premier long métrage), Marc Levy a un style qui sied au 7e art : scènes courtes, pas de descriptions, moult rebondissements et dialogues omniprésents. Quant à l’intrigue, même tirée par les cheveux (pensons à Sept jours pour une éternité…, qui met en scène deux anges descendus sur terre), elle n’empêche pas le lecteur de s’identifier aux héros. Du gâteau, bref, pour la Dreamworks, propriété de Steven Spielberg, qui acheté les droits du roman pour 2 millions de dollars. Rebaptisé Just like Heaven, le film prend l’affiche le 16 septembre en Amérique du Nord (sortie dans l’Hexagone : 23 novembre).

Dans Et si c’était vrai…, Arthur découvre une interne en médecine dans la penderie de sa salle de bains. Victime d’un accident de la route, l’inconnue, qui se prénomme Lauren, repose pourtant dans le coma au San Francisco Memorial Hospital… Ni l’un ni l’autre ne comprend ce qui se passe: Arthur est le seul qui puisse la voir, et Paul, son associé dans le cabinet d’architecture, s’inquiète de la santé mentale de celui qu’il considère comme son frère. Arthur et Lauren tombent amoureux. Mais leur «réalité» n’est pas celle du corps médical et de la mère de cette dernière, qui décident de la débrancher après plusieurs mois. Refusant de voir mourir sa bien-aimée, Arthur, aidé de Paul, enlève Lauren et se réfugie dans la maison de son enfance. Là, les amants parviennent à un prodigieux état de fusion amoureuse. Toutefois, la police est en chasse et Arthur se résigne: Lauren réintègre l’hôpital et se réveille. Se souviendra-t-elle de cette extraordinaire aventure?

Les yeux du cœur

C’est parce que qu’il avait envie de retrouver les personnages que Marc Levy a écrit Vous revoir. L’adaptation cinématographique, quant à elle, a influé sur cette décision dans la mesure où l’écrivain désirait offrir à son lectorat un autre épilogue: «Le fait qu’il [Mark Watters] ait changé la fin m’a donné une plus grande liberté de continuer mon roman. Quand j’ai pensé à faire une suite, je me suis fixé trois contraintes. La première: qu’il soit autonome; la deuxième: que le « un » et le « deux »  forment une même histoire, et la troisième: qu’on puisse les lire dans les deux sens » C’est maintenant au tour d’Arthur de plonger dans le coma, et à Lauren de risquer sa carrière pour le sauver. Les souvenirs remontent à la surface: aimer une seconde fois est-il possible? «J’y crois, répond fermement Marc Levy. Le fait d’écrire des romans d’amour ne me confère pas le statut de «docteur ès amours», mais à titre personnel, je pense que c’est possible. J’ai vu des gens se recoudre ensemble quelques années après une rupture. Je crois que quand on a aimé quelqu’un très fort, qu’on est séparé de cette personne, que le temps a passé et qu’on retrouve cette personne, l’alchimie est possible. Vous revoir,  c’est l’histoire d’une deuxième chance, d’un homme et d’une femme qui se recroisent et découvrent que la vie a plus d’imagination qu’eux.»

«L’amour n’a à obéir à aucune règle, poursuit l’écrivain parisien. J’ai voulu que chaque personnage ait une histoire d’amour différente et qu’elle se termine de façon différente.» On dénombre plusieurs couples dans Vous revoir. Tout d’abord, les jeunes: Arthur et Lauren, bien sûr, et puis Paul, qui s’éprend de la belle Onega. Les vieux amants, ensuite, qui se révèlent les plus émouvants: le Dr Fernstein, mentor de Lauren, et l’infirmière Norma, de même que l’inspecteur Pilguez, responsable de l’enquête sur l’enlèvement de Lauren, et Nathalia, standardiste au bureau de police. «Je trouve que c’est l’une des plus belles réussites de la vie, admet l’auteur au sujet des ménages vieillissants. Ce sont les gens que j’admire le plus.»

De Londres, où il habite avec son fils («Je voulais qu’il soit bilingue et j’aime le plaisir de vivre à l’étranger en étranger»), Marc Levy travaille à son prochain livre. Quel en sera la nature? Bouche cousue. Mais puisqu’il mentionne qu’il «faut savoir se relever de tout avec humour, même des chagrins d’amour», parions que le goût du bonheur sera de nouveau au rendez-vous.

Bibliographie :
Vous revoir, Robert Laffont, 342 p., 29,95 $
Et si c’était vrai… Pocket, 251 p., 10,95 $
Sept jours pour une éternité, Pocket, 310 p., 12,95 $
Où es-tu?, Pocket, 312p., 11,95 $
La prochaine fois, Pocket, 256 p., 11,95 $

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