Israël: S’émanciper de l’Histoire

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Éclipsé par les catastrophes naturelles ayant touché les terres haïtiennes et nippones ces derniers mois, Israël déferle de façon moins sensationnaliste dans les manchettes. Cependant, y règne toujours, et ce, depuis des décennies, un climat de conflits où les roquettes tombent du ciel sans préavis et où les actes antisémites sont en augmentation constante. L’enjeu à l’origine de ces belliqueuses protestations? Deux communautés, autant les Juifs d’Israël que les Palestiniens, revendiquent le territoire de l’actuel État d’Israël.

Aborder la littérature d’un pays en crise comme l’État d’Israël, c’est explorer différents repaires culturels. Avec la résurrection de l’hébreu qui a fédéré les citoyens israéliens et avec l’arabe qui constitue la deuxième langue officielle de ce pays, les littératures nationales coexistent un peu comme le font les littératures francophone et anglophone du Québec.

Il est difficile de parler d’influence de l’une sur l’autre, mais beaucoup d’écrivains arabes israéliens sont traduits en hébreu. Emil Habibi ou le poète Mahmoud Darwich, pour ne nommer qu’eux, suscitent un grand intérêt en Israël. D’autres, comme Anton Shammas ou Sayed Kashua, ont choisi de s’exprimer en hébreu. La littérature arabe israélienne romanesque est importante et ne se pose pas nécessairement dans une problématique identitaire de la minorité. Néanmoins, le thème du conflit qui oppose Juifs et Arabes y est abordé sans tabou, parfois avec brutalité, mais il exprime avant tout la confrontation des idées et la liberté d’expression dans une région qui en manque largement.

Pour ce qui est de la littérature hébraïque, elle est devenue israélienne à la création de l’État d’Israël en 1948. Dans un pays qui est quatre-vingt fois plus petit que le Québec, dont la moitié du territoire est un désert aride et inhospitalier, dans un pays né dans le refus et la guerre, l’expression première de la littérature israélienne fut cette idée à la fois vieille et nouvelle de l’idéal national, mais aussi celle de la mémoire de la Shoah, d’une quête identitaire d’un homme nouveau, affranchi de son errance et du conflit israélo-arabe.

Depuis, plusieurs générations d’écrivains sont nés avec l’hébreu comme langue maternelle et leur expérience de vie est celle d’une société développée, diverse et moderne. Les thèmes idéologiques y sont de nature beaucoup plus universaliste, humaniste, et on aborde généralement l’individu comme sujet principal du roman. Les écrivains comme Yoram Kaniuk, David Shahar, Meir Shalev, David Grossman, Amos Oz ou Avraham B. Yehoshua nous marquent plus par une réalité sociale amarrée dans l’individualisme. Ils préfèrent des thèmes comme l’amour, le désir, la mort, la question identitaire, la dénonciation de la guerre, l’impératif de démocratie et de justice dans une société constamment soumise à la pression de la guerre et du terrorisme, et qui peine à trouver et à appliquer une solution à un conflit pratiquement centenaire. Aujourd’hui, la nouvelle génération d’écrivains n’est plus tributaire de l’histoire de ce pays et de ses problématiques sociales, religieuses ou ethniques. Ils ressemblent à leurs confrères ou consœurs, européens ou américains. Certains des plus remarqués sont par exemple Orly Castel-Bloom, Yehudit Katzir, Alona Kimhi et Etgar Keret. On ne saurait terminer ce panorama de la littérature israélienne sans évoquer la forte présence des femmes et des immigrants récents de l’ex-Union soviétique dans la littérature israélienne contemporaine.

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David Fitoussi est né en 1966, en France. Alors qu’il avait 10 ans, sa famille et lui s’exilent à Montréal. Le choc culturel vécu lui inspirera le récit autofictionnel et satirique La bar-mitsva de Samuel (Marchand de feuilles). Depuis six ans, l’auteur vit avec ses quatre enfants dans le confort du climat méditerranéen, dans une petite ville d’Israël. Pourquoi ce déménagement, malgré les fréquents conflits belliqueux qui y ont cours? « Le genre de décision que l’on prend avec une bonne bouteille de rouge, conjuguée à un hiver rigoureux. En gros, le sentiment d’avoir besoin d’un électrochoc pour me renouveler », répond-il. Fitoussi travaille actuellement sur la thématique de la dépendance affective, dans l’histoire d’un couple qui ne s’aime pas et où, bien entendu, l’humour a toujours une place d’honneur.

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