Gilles Veber : Gauthier

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Véritable petit guide sur l'art de la dérision, le premier roman du scénariste Gilles Veber pose un regard amusé sur certains de nos comportements. Les lecteurs feront la rencontre de Brice, un être terne, solitaire, dépressif et névrosé, à qui jamais rien n'arrive et qui ne fait rien pour que sa vie change. Ombre permanente dans son quotidien : Gauthier, son voisin de palier ! Tout à l'opposé de Brice, Gauthier est un être séduisant, amusant, que les femmes adorent. L'un de ces êtres à qui tout sourit. Brice trouve totalement insupportable cet être qui ruisselle de bonheur. Par une journée comme les autres, Gauthier décide de débarquer chez Brice afin de découvrir ce qui ne va pas avec lui. Si l'analyse n'apporte aucune conclusion probante (sinon des éléments que nous connaissons déjà) il en résulte une amitié incongrue. Le sort — ou le diable — fera finalement tomber le voile des apparences, révélant que le plus malchanceux des deux n'est pas celui qu'on imagine…

Roman sur l’inertie, l’envie ou la jalousie ? « C’est un ensemble de tout cela, l’inertie amène souvent à une vie par procuration, qui engendre inévitablement une certaine jalousie et beaucoup d’envie », explique Gilles Veber. C’est un roman sur l’importance de la confiance en soi, sur le paraître qui domine l’être de nos jours, et sur le regard des autres en général ». Il ne faut pas voir en Gauthier une œuvre en réaction à l’individualisme omniprésent dans notre société : « Le personnage de Brice n’a pas besoin des nouvelles technologies pour s’exclure de la société ; sa névrose vaut tous les ordinateurs du monde. J’ai intentionnellement évité toute référence au monde moderne pour conserver au roman une intemporalité qui  » l’habille  » d’une certaine élégance, comme des vêtements d’époque. »

Malgré le caractère contemporain du sujet, l’auteur effectue des allers-retours entre le réalisme et le fantastique : « J’aime le fantastique lorsqu’il est subtil au point de se fondre dans la réalité de la situation », raconte le romancier. « Il y a une jolie formule en écriture qui déclare que  » l’on peut violer son histoire à condition de lui faire un enfant « . » Je crois que l’on peut divaguer dans l’imaginaire à condition de conserver un pied dans le concret », conclut Verber.

Sans intrigue élaborée, le roman est à l’image de son principal protagoniste. Mais aussi terne que puisse paraître la vie de Brice, Gilles Veber a tout de même le verbe divertissant. En effet, dans un enchaînement de phrases incisives, de répliques assassines et à coups de réflexions d’une justesse désarmante, les personnages se révèlent plus complexes que les apparences ne le laissaient entendre. L’humour noir et la dérision sont portés par un rythme soutenu et fluide, la farce est tout, sauf gratuite! Les passages désespérés, qui sont d’une grande drôlerie, donnent de la profondeur à l’ensemble. Bien que la fin soit quelque peu décevante, vous aurez eu le bonheur de vous offrir un pur moment de plaisir.

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