La maison d’édition Écosociété célèbre cette année ses vingt-cinq ans d’existence. Pendant tout ce quart de siècle, bien des événements ont marqué son parcours. Et toujours, elle a réussi à maintenir le cap et à proposer des ouvrages qui guident ses lecteurs dans les chemins moins fréquentés.

Environnement, intégrité, bien commun. Le nom Écosociété en évoque toute la portée. Si le préfixe « éco » fait référence à l’importance des gestes responsables envers notre planète, il concerne également le concept plus vaste d’écologie en tant qu’endroit où les êtres vivants évoluent ensemble. En même temps qu’il peut induire le sens de son homonyme « écho », qui renvoie à la réverbération qu’entraîne toute action.

Être fidèle à ses principes, en assumer les gestes et la portée, ce n’est pas peu dire. Surtout dans une société qui louvoie fréquemment entre mensonges et iniquités, prise avec, à sa tête, des superpuissances qui en veulent toujours davantage et où les plus vulnérables sont mis à l’écart au lieu d’être protégés. Un des principaux paris d’Écosociété est justement d’amener une pensée qui se situe souvent à contre-courant. Elle amène plus volontiers au-devant de la scène la notion de décroissance que celle de l’abondance. Et s’il y a un profit à aller chercher, il se trouve dans la richesse d’une société de partage et d’équilibre qui ne sert jamais l’individuel sans inclure le collectif.

Être éditeur, c’est aussi assumer ses choix. Indubitablement engagée, la maison qui prône les valeurs d’écologie, de justice sociale et de bien commun n’a pas fait exception lorsque sont survenues les poursuites en diffamation concernant le livre Noir Canada d’Alain Deneault qui faisait part des aspects peu reluisants des compagnies minières canadiennes à l’étranger. Comme elles le font dans chacun des livres qu’elles publient, les éditions Écosociété ont dans cette affaire soutenu l’importance du débat dans la sphère publique, et si elles sont ouvertes à la pluralité des opinions, elles ont pour indéfectible principe la liberté d’expression.

La vérité ne se trouve pas nécessairement dans la majorité. Les premières années de la maison ont donc eu comme premier défi de résister malgré la précarité. Et elles ont eu raison puisque certaines idées d’abord en marge ont pris du terrain et ont su s’imposer, ce qui fait d’Écosociété un lieu notoire d’avant-garde. Ainsi, avec la publication il y a bientôt vingt ans du livre La simplicité volontaire, plus que jamais… de Serge Mongeau, elle invitait déjà à repenser notre rapport à la consommation. Même chose en ce qui a trait à l’achat responsable avec un titre comme Acheter, c’est voter de Laure Waridel paru en 2005 ou encore celui sur l’agriculture biologique, Le jardinier-maraîcher de Jean-Martin Fortier, qui s’est vendu à plus de 50 000 exemplaires et qui est devenu ni plus ni moins une référence dans le domaine.

« Comme nous traitons de thématiques qui viennent souvent du champ gauche, un autre défi, c’est la marginalité, explique Élodie Comtois, responsable des communications chez Écosociété. À l’occasion de nos 25 ans, c’est justement le défi que nous nous sommes donné en travaillant autour de ce slogan : “Cultiver les savoirs, ouvrir les possibles”. Nous voulons montrer que les idées que défendent nos auteurs doivent être prises au sérieux. Il faut commencer activement à ouvrir les possibles et opérer une véritable transition, pour que l’écologie et le politique supplantent l’économie, et non l’inverse. Nous voulons montrer que nos propositions politiques sont crédibles et nécessaires, qu’elles sont tout sauf marginales. » Le leitmotiv d’Écosociété est celui d’informer, de mettre à jour ce qui n’est pas nécessairement vu ou analysé de prime abord. Elle ne recherche donc pas le consensus, mais la pertinence des idées avancées, tout en se faisant un devoir de les amener à bien en les concrétisant. « Autant nous publions des livres qui écorchent la société dans laquelle nous vivons et en dénoncent les travers, autant nous cherchons aussi à proposer des solutions concrètes aux problèmes qui y sont soulevés. Nous ne voulons pas que nos lecteurs restent avec un sentiment d’impuissance; au contraire, nous cherchons à montrer qu’il y a moyen de changer les choses. » Des citoyens éclairés ont plus de chance de bonifier leur sort, celui des autres et celui de la planète. C’est probablement ce qui rend le plus fier cette équipe, « être devenu un éditeur crédible et incontournable dans le domaine des essais critiques », exprime Élodie Comtois. Et par là, contribuer à rendre le monde meilleur.

Et si la révolution passait par les livres?
Ce qui a permis aux éditions Écosociété de tenir le coup toutes ces vingt-cinq années est certainement attribuable au dévouement qu’a fait preuve chacun des individus qui sont passés par là. À leurs débuts, des gens tels Serge Mongeau, Dimitri Roussopoulos, Jacques B. Gélinas, Laval Doucet et Dalbé-Jacques Viau ont lancé l’Institut pour une écosociété (IPE). Si les intentions de départ étaient plus vastes, soit celles d’organiser des groupes de discussion, des colloques, un lieu de formation théorique et pratique, le livre en est resté le véhicule maître. Plusieurs personnes sont venues prêter main-forte, se sont relayées les unes et les autres, mais les valeurs intrinsèques de la maison sont toujours les mêmes.

Le livre est un des meilleurs moyens pour élargir sa vision du monde. « Il permet un recul et offre une profondeur unique. […] L’essai, qui laisse la place à la pensée critique de se dérouler, est un lieu de débat particulièrement précieux. Il éclaire, analyse, bouscule, confronte… Encore une fois, il cultive les savoirs et ouvre les possibles! », explique madame Comtois. Il demeure le premier levier pour une prise de conscience, indispensable à la suite du monde. C’est ce qui peut être fait, à la mesure de tout un chacun, pour s’engager, se commettre, s’inventer. « Le savoir est pouvoir, dit l’adage. C’est en comprenant d’abord ce qui ne tourne pas rond qu’on peut s’engager ensuite de manière conséquente », nous rappelle Élodie Comtois.


Photo : © Aline Dubois

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