Speak french?

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Graham Fraser croit que quand les Québécois unilingues francophones ne pourront plus se faire comprendre par les politiciens d'Ottawa, le pays éclatera. Pour l'instant, malgré l'instauration du bilinguisme officiel il y a 40 ans, francophones et anglophones vivent toujours dans deux mondes parallèles. Pourquoi? Il l'explique dans son dernier livre: Sorry, I don't speak French, ou pourquoi quarante ans de politique linguistique n'ont rien changé… ou presque.

«La tristesse de la situation canadienne, c’est que francophones et anglophones ont 10 ou 20 ans de retard dans la perception de l’autre», constate l’auteur en entrevue au libraire. Parfaitement bilingue, Graham Fraser n’est toutefois pas un sauveur illuminé de la fédération canadienne. Il nous offre seulement une étude réaliste, sans complaisance, de la situation linguistique au pays.

Avant de devenir le Commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser a été journaliste pendant dix ans au Québec. Son livre a été écrit avant qu’il ne soit choisi pour ce poste. Et, chose rare à la Chambre des communes, sa nomination par le premier ministre Stephen Harper a été applaudie autant par les libéraux que par les néo-démocrates et les bloquistes.

Passionné d’histoire, Fraser a fouillé les archives pour retracer l’histoire de l’éta-blissement du bilinguisme officiel. Il raconte comment, il y a 40 ans, on a instauré la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, qui devait tenter de savoir si les Canadiens français et anglais voulaient et pouvaient vivre ensemble et, si oui, à quelles conditions.

Des progrès… modestes
Son constat est plutôt sombre: malgré le bilinguisme officiel, Ottawa reste une ville exclusivement anglophone, en dehors des quelques édifices fédéraux aux alentours du Parlement. Les universités du Canada anglais traitent le français comme une langue étrangère. Des millions de dollars sont dépensés inutilement pour que des fonctionnaires fédéraux apprennent le français, qu’ils n’utiliseront que très rarement dans leur travail par la suite. Fraser assène clairement: «Le Canada a échoué dans ses tentatives de prendre acte du fait français au pays et il refuse même de reconnaître son échec en la matière.»

D’importants changements ont tout de même eu lieu. Les francophones peuvent généralement obtenir des services dans leur langue maternelle. Le français a pris la place qui lui revient dans le monde des affaires au Québec. Et il est établi que le premier ministre doit pouvoir s’exprimer aisément dans les deux langues officielles afin de se faire comprendre par les 20 millions d’anglophones unilingues et les 4 millions de francophones unilingues.

Mais laissons les derniers mots à Fraser: «Par le passé, certains ont avancé l’idée que les Canadiens anglais devraient apprendre le français par attachement au Québec et à l’unité nationale. Mais non, merde! Nous devrions le faire pour nous-mêmes. L’apprentissage d’une autre langue est la première étape vers une meilleure compréhension du monde, et pas seulement du pays où on vit.» Et la même logique est valable pour les francophones.

Bibliographie :
Sorry, I don’t speak french, Graham Fraser, Boréal, 416 p., 27,95$

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