Délier la langue

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On peut dire que la question de la langue au Québec soulève les passions. Les Québécois souffrent parfois d’insécurité face à leur langue parce qu’ils la comparent au français de France ou parce qu’ils craignent l’assimilation anglaise. Le chroniqueur Marc Cassivi ne croit pas que l’anglais menace le français au Québec. Il aborde cette question dans un ouvrage, Mauvaise langue (Somme toute), qui paraît aujourd’hui en librairie. Pour l’occasion, voici quelques titres qui s’intéressent à notre langue.


Mauvaise langue
Marc Cassivi (Somme toute)

Ce court manifeste se veut une réponse à l’hystérie de ces curés aux oreilles écorchées par le chiac de Lisa LeBlanc et le joual des personnages de Xavier Dolan. Pour le chroniqueur Marc Cassivi, qui a grandi dans un milieu anglophone et vécu la menace de l’assimilation, il est grand temps que l’on revoie notre rapport souvent malsain à la langue anglaise. Le Québécois est maître chez lui, ainsi que l’avait souhaité Jean Lesage. Ce n’est pas le refrain en franglais d’une chanson des Dead Obies qui y changera quoi que ce soit.


La langue rapaillée
Anne-Marie Beaudoin-Bégin (Somme toute)

Le français québécois est souvent présenté comme du joual, comme du mauvais français, comme un simple registre populaire qui contrevient au contenu des sacro-saints ouvrages de référence. Cela entache l’identité québécoise d’une profonde insécurité. Mais si on le présente dans toute sa complexité, comme une variété de langue légitime et pour laquelle les locuteurs ont un droit de regard, on nettoie cette tache. On donne à l’identité québécoise tout le lustre dont elle a besoin pour s’épanouir. Cette langue, elle est à nous. Récupérons-en toutes les dimensions, toutes les variations, tous les jugements et disons : « Voilà notre langue rapaillée. »

En complément : Entrevue avec Anne-Marie Beaudoin-Bégin


Trouve-toi une vie
Fabien Cloutier (Lux)

Avec son humour cru et décapant, Fabien Cloutier explore l’âme québécoise à travers ses expressions et ses régionalismes. « Y farme pas étanche », « Bien accoté dans’barrure », « C’est pas vargeux », « Bizouner »… chacune de ces formules est l’occasion d’une introspection désopilante, qui dévoile nos travers individuels et collectifs, les absurdités de l’actualité, mais aussi la beauté de la langue au Québec.


Le niveau baisse! (et autres idées reçues sur la langue)
Benoît Melançon (Del Busso Éditeur)

La langue est le domaine par excellence des idées reçues. Benoît Melançon s’attaque à quatorze d’entre elles. Est-ce vrai que le niveau linguistique baisse? Que c’était mieux avant? Les Québécois parlent-ils franglais? Le pronom « on » exclut-il la personne qui parle? L’anglais est-il une langue facile? Tous les mots sont-ils dans le dictionnaire? Après avoir réfléchi avec humour à de tels lieux communs, quelle est la position de l’auteur? Ni alarmisme ni jovialisme.


Méchante langue
Chantal Bouchard (PUM)

Comment expliquer le fait que le français parlé au Québec n’ait pas le prestige accordé généralement à la langue française ? Chantal Bouchard a déjà brillamment abordé cette question dans La langue et le nombril, un livre qui a connu un succès critique considérable. Cette fois-ci, elle remonte aux sources. Tous les témoignages antérieurs à la Révolution française confirment que la langue parlée au Canada ne se distinguait pas du français de l’époque. Mais alors que le Canada est coupé de ses racines, en France tout est bouleversé par la Révolution et une nouvelle norme linguistique s’impose. Au surplus, cette norme est réglementée par une politique d’uniformisation qui rend illégitime toute variation. Voilà un livre finement argumenté et richement documenté désormais appelé à servir de référence.


Langue et politique au Canada et au Québec
Marcel Martel et Martin Pâquet (Boréal)

Les historiens Marcel Martel et Martin Pâquet présentent une ample synthèse de l’histoire du rapport entre langue et politique au Canada et au Québec. Les questions linguistiques y ont constamment fait l’objet de débats. De la Conquête à la Révolution tranquille, de la crise du Règlement 17 aux différents jugements de la Cour suprême, ces débats souvent virulents suscitent une forte mobilisation des citoyens, dans la rue, dans les médias ou devant les tribunaux, des citoyens profondément soucieux de la reconnaissance de leur langue et de leurs droits. Ces derniers obligent ainsi les États à intervenir de diverses manières : commissions d’enquête, recours aux lois et au droit, et même surveillance de l’action citoyenne par la police. Les responsables politiques veillent à canaliser une prise de parole publique souvent turbulente afin d’assurer l’ordre public et l’homogénéisation de la population sur le territoire. C’est à une fascinante histoire de bruit et de fureur, de débats et de combats, de tensions mais aussi d’apaisements que convie Langue et politique au Canada et au Québec. Cernant l’enjeu linguistique dans la longue durée, cet ouvrage montre avec nuance, sans parti-pris mais avec empathie, à quel point la langue se situe depuis plusieurs siècles au cœur de la vie politique du pays. Plus qu’un livre d’histoire, il offre un regard nouveau sur l’un des grands enjeux de notre époque.

États d’âme, états de langue
Marty Laforest (Nota Bene)

Marty Laforest, à l’instar de plusieurs linguistes (dont certains ont collaboré à la rédaction du livre), n’en peut plus d’entendre toujours les mêmes lieux communs sur la façon dont le français se parle au Québec. Abandonnant le jargon universitaire, elle a décidé de mettre les choses au point et de répondre à ceux qui prétendent que le français québécois est en phase de « créolisation », que les jeunes québécois baragouinent un langage désossé, qu’ils ne savent manipuler qu’une seule variété de français et qu’ils ne savent pas adapter leur niveau de discours aux contexte. Mais, attention : Le livre de Laforest n’est pas pour autant une glorification du joual. Il s’agit simplement d’une remise en contexte de l’évolution d’une langue vivante qui, comme toutes les langues vivantes du monde, évolue et se transforme. Sans aucun doute, ce livre suscitera des débats. Mais pour une fois, il ne se fera pas entre les tenants du « bon français de France » et les défenseurs du joual. La position sociolinguistique défendue par Marty Laforest est totalement nouvelle, puisque le type d’argumentation qu’elle développe fait passer le débat du niveau de l’opinion à celui du savoir.

 

(Les résumés sont ceux des éditeurs.) 

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