Prix Sade 2016 : les lauréats sont…

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Le 14 septembre dernier, nous annoncions ici les finalistes de ce prix relativement récent (2001), et qui célèbre le libertarisme contemporain. Réuni le samedi 24 septembre, le jury, composé d’Emmanuel Pierrat, Jean Streff, Catherine Corringer, Ruwen Ogien, Catherine Robbe-Grillet, Laurence Viallet, Guy Sarpetta, François Angelier, Jean-Luc Hennig et Gisèle Vienne, a délibéré et élu à la majorité l’essai d’Agnès Giard : Un désir d’humain, les love doll au Japon (Les Belles Lettres) :

Il existe au Japon une industrie de « love doll », des poupées grandeur nature conçues pour servir de « partenaires de substitution ». Curieusement, ces produits sexuels haut de gamme se présentent sous la forme fantomatique de jeunes filles aux regards vides et aux corps incomplets… Est-il seulement possible de les « utiliser » ? Confrontant les humains à la question de la solitude, ces ersatz moulés dans les postures d’une attente sans fin fournissent un modèle représentatif de ce qui est considéré comme excitant et attirant dans la société actuelle.

Les firmes qui s’en disputent le marché les présentent non pas comme des « produits à vendre » mais comme des « filles à marier ». Lorsque le client ne peut ou ne veut plus garder sa poupée, celle-ci bénéficie de funérailles bouddhiques. A priori, ces love doll sont si ressemblantes qu’elles pourraient bien faire illusion. Ont-elles un cœur ? Une âme ? Les Japonais investissent actuellement des millions dans la recherche en robotique et s’intéressent tout particulièrement aux moyens de simuler la conscience. Or ces poupées constituent un véritable laboratoire pour la recherche en vie artificielle. Elles servent de modèles à des prototypes d’androïdes et influencent les recherches de pointe en matière d’anthropomorphisme. Le sujet de ce livre dépasse donc l’anecdotique. Il s’agit d’une enquête au cœur d’un système en train d’accoucher de formes de vies psychiques nouvelles. Les simulacres japonais devraient envahir le monde et cela d’autant plus rapidement que ces objets proposent quelque chose de plus qu’un aspect réaliste. Quoi ? (Paru au Québec le 26 septembre.)

Cette année, le jury a tenu à décerner deux autres prix spéciaux, soit le Prix Sade livre d’art à Scènes du plaisir, la gravure libertine, de Patrick Wald-Lasowski (Cercle d’art) et le Prix Anastasie, créé pour l’auteur censuré Dennis Cooper, pour Le Fol marbre (P.O.L.) : « le jury du Prix Sade s’est ému de la grave censure dont Dennis Cooper a été et est toujours victime, dont le travail a été massacré par les géants du net qui n’ont pas d’état d’âme pour coopérer avec les pires dictatures de la planète et font la chasse aux œuvres qu’ils estiment indécentes ». Cooper avait d’ailleurs remporté le Prix Sade 2007 pour Salopes (P.O.L.).

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