Le 6 octobre dernier, le jury du prix Sade, sous la présidence d’Emmanuel Pierrat, a choisi son lauréat pour l’année 2018 parmi les 18 livres qui figuraient sur la liste initiale. C’est l’auteur Jonathan Littell, voté par la majorité, qui remporte les honneurs avec son roman Une vieille histoire : Nouvelle version publié aux éditions Gallimard. La version première, qui contenait deux des sept chapitres de la nouvelle version, intitulée Une vieille histoire, était parue en 2012 aux éditions Fata Morgana.

L’auteur se dit lui-même très proche de l’œuvre de Sade, rendant encore plus significative la réception d’un tel prix. Jonathan Littell est bien connu du milieu littéraire depuis 2006 grace à son roman Les Bienveillantes pour lequel il avait notamment remporté le prestigieux Goncourt et le Grand prix du roman de l’Académie française.

Le prix Sade a été créé en 2001 par Lionel Aracil et Frédéric Beigbeder en hommage au marquis de Sade et récompense un auteur considéré comme singulier, dont l’œuvre reflète le libertarisme contemporain.

« Sous le titre, ces mots : « nouvelle version ». Que veulent-ils donc dire? « Nouvelle » renvoie, de toute évidence, à une autre version, « originale ». Mais quel écart veut-on ainsi marquer? Le « nouveau » livre efface-t-il le « premier », qui n’en serait dès lors qu’une partie, ou une tentative manquée, incomplète? Si l’écriture d’un livre est une expérience, la publication y met un terme, définitif. Or, pour une fois – la parution, en 2011, d’un récit en deux chapitres sous le titre Une vieille histoire –, cela n’a pas été le cas. Pourquoi, je ne sais pas; toujours est-il qu’un jour j’ai constaté que le texte, comme un revenant, continuait mystérieusement à produire. Il a donc fallu recommencer à écrire, comme s’il n’y avait pas eu de livre. Curieuse expérience. Plutôt qu’une continuité, un changement de plan. Demeure le dispositif : à chaque chapitre, sept maintenant, un narrateur sort d’une piscine, se change, et se met à courir dans un couloir gris. Il découvre des portes, qui s’ouvrent sur des territoires (la maison, la chambre d’hôtel, le studio, un espace plus large, une ville ou une zone sauvage), lieux où se jouent et se rejouent, à l’infini, les rapports humains les plus essentiels (la famille, le couple, la solitude, le groupe, la guerre). Ces territoires parcourus, ces rapports épuisés, la course s’achève : dans la piscine, cela va de soi. Puis, tout recommence. Pareil, mais pas tout à fait. Or sept, ce n’est pas juste deux plus cinq. La trame, qui tisse entre eux la chaîne des territoires et des rapports humains, se densifie, se ramifie. Les données les plus fondamentales (le genre, l’âge même du ou des narrateur/s) deviennent instables, elles prolifèrent, mutent, puis se répètent sous une forme chaque fois renouvelée, altérée, La course, stérile au départ, devient recherche, mais de quoi? D’une percée, peut-être, sans doute impossible, ou alors la plus fugace qui soit, mais d’autant plus nécessaire. »
-Jonathan Littell, résumé de l’éditeur 

Lors de cette cérémonie littéraire, le prix Sade a également remis le prix Sade du livre d’art à Mavado Charon pour son livre illustré Dirty paru chez Mania Press et un prix spécial a été remis aux éditions Le Murmure, pour la collection « Border Line » soulignant au passage la parution de L’adolescente japonaise de l’auteur Stéphane du Mesnildot. Le prix Sade 2017 avait été remis à Gay Talese pour son roman Le motel du voyeur publié aux éditions du sous-sol.

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