Alice au pays du Nobel

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 Je suis heureuse.
La sensation de voir l’argent jeté d’un pont ou loin en l’air
m’a été donnée. L’argent, les espoirs, les lettres d’amour …

toutes ces choses peuvent être lancées en l’air
et retomber transformées, légères et libérées
du contexte.
Alice Munro, L’amour d’une honnête femme

C’est à une Canadienne que revient la plus haute distinction littéraire de ce monde. «Lire Alice Munro c’est à chaque fois apprendre quelque chose auquel vous n’aviez pas pensé avant.» Voilà ce que le jury du prix Nobel de littérature avait à dire, entre autres, sur la femme de lettres native de Wingham, une campagne de l’Ouest ontarien. Aujourd’hui âgée de 82 ans, la dame a 14 titres à son actif, des recueils de nouvelles sauf un roman, dont beaucoup sont couronnés par différents prix (par exemple un triplé pour le prix du Gouverneur général).

En recevant le Nobel, Alice Munro devient le premier écrivain canadien à recevoir la récompense et la 13e femme sur un total de 110 lauréats. Le prix est remis chaque année par l’Académie suédoise qui détermine ses choix avec d’autres institutions littéraires à travers le monde. Le prix est accompagné d’une bourse de 10 millions de couronnes suédoises (environ 1.3 million de dollars canadiens).

C’est en 1968 que son premier recueil de nouvelles, Dance of the Happy Shades (La Danse des ombres heureuses), est publié. Déjà, c’est le prix du Gouverneur général. Dès l’adolescence, Alice Munro semble choisir le métier d’écrivain par défaut, affirmant : «Je n’ai aucun autre talent, je ne suis pas intellectuelle et me débrouille mal comme maîtresse de maison. Donc rien ne vient perturber ce que je fais». Fille d’un éleveur de renards et de volailles, et d’une mère institutrice, le lieu de ses histoires se concentrent surtout dans les milieux ruraux de l’ouest ontarien. Ses nouvelles privilégient moins l’intrigue du récit que le caractère et les relations des personnages. Ainsi, ses écrits correspondent à la mission première du Nobel qui est de récompenser un œuvre qui « a fait la preuve d’un puissant idéal ». On la surnomme d’ailleurs « la Tchekhov canadienne » pour sa qualité à savoir sonder et décrire l’âme humaine.

En mettant en lumière la diversité, la profondeur et l’étendue de la nature intrinsèque des êtres, elle propose à sa façon une compréhension du monde.

« Le temps et le lieu risquent de me rattraper pour m’enfermer, je risque d’avoir trop facilement l’impression de n’être jamais partie, d’être restée ici ma vie entière, comme si ma vie d’adulte était une espèce de rêve qui ne s’est jamais emparé de moi. » (Du côté de Castle Rock)

Contente de cette grande récompense, Madame Munro a encore peine à réaliser ce qui lui arrive : « C’est évidemment quelque chose de merveilleux. Ça me semblait un de ces rêves irréalisables. Je savais que ça pouvait arriver, mais je me disais que ça n’arriverait probablement pas. »

Elle avait annoncé un peu plus tôt cette année qu’elle cesserait d’écrire. Quand on lui demande si l’obtention du Nobel lui fera revisiter son idée, elle répond qu’elle n’en a pas l’intention puisque « je me fais vieille ».

La dame a ses raisons, mais on ne peut empêcher un lecteur d’espérer.

Sources:

Radio-Canada 

La Presse 

Crédit photo : Derek Shapton

Crédit photo accueil : cbsnews.com – PETER MUHLY/AFP/Getty Images

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