Mort de la romancière Doris Lessing

2
Publicité

La romancière Doris Lessing, récipiendaire du prix Nobel de littérature en 2007, est morte le 17 novembre à l’âge de 94 ans. Lessing laisse une trace importante dans la littérature avec une soixantaine d’œuvres publiées (dont une trentaine traduites en français) pour la plupart inspirées de sa propre vie, où le discours politique et féministe est prépondérant. Elle est née en Perse (maintenant l’Iran) et à partir de cinq ans, vit en Afrique (Rhodésie, maintenant le Zimbabwe) où elle passera le reste de son enfance.

Un tantinet rebelle et résolument anticonformiste, Lessing quitte l’école à 14 ans, se marie et se divorce deux fois, finissant par déclarer que « le mariage était un état qui ne lui convenait pas », quitte l’Afrique à 30 ans pour s’établir à Londres avec son plus jeune fils, laissant derrière elle son fils et sa fille aînés. C’est en 1950 qu’elle écrit son premier roman, Vaincue par la brousse, qui remporte un certain succès, mais c’est avec Le carnet d’or en 1962 que lui vaut la plus grande visibilité. Ce livre lui donnera par ailleurs le prix Médicis étranger. Dans ce roman non conventionnel aux formes entremêlées, l’auteure inscrit dans des journaux aux couleurs spécifiques les pensées qui l’habitent : le noir concerne la littérature, le rouge la politique, le jaune focalise sur la vie privée, tandis que le bleu s’attarde à l’introspection. Le carnet d’or quant à lui tente de réunir tous les morceaux disparates de cette femme pour former une cohérence, une entité significative.

Elle investit le territoire littéraire avec ses convictions, partageant ses positions antiapartheid, anticolonialistes et féministes. Nous nous disons libres mais la vérité c’est qu’ils ont des érections avec des femmes dont ils se moquent éperdument, alors que nous n’avons d’orgasme que si nous les aimons. Qu’y a-t-il de libre à cela? – Le carnet d’or

Doris Lessing ne faisait pas dans la demi-mesure et avait son franc-parler. Lorsqu’on lui décerna le Nobel à l’âge de 88 ans, elle déclara : « Ils ont pensé, là-bas, les Suédois: celle-là a dépassé la date de péremption, et elle n’en a plus pour longtemps. Allez, on peut le lui donner! » Bien qu’elle accepta ce prix, – elle refusa d’être anoblie par la reine – elle avouera quelque temps plus tard que recevoir ce prix était en fait une « catastrophe : tout ce que je fais, c’est donner des interviews et me faire prendre en photo ».

Comme toute plume bien trempée, Doris Lessing n’empêche pas les contradictions. Figure emblématique de l’émancipation des femmes, avec notamment Le carnet d’or, elle dira en 2001 que les femmes sont devenues « horribles avec les hommes (……) constamment humiliés et insultés par des femmes stupides, ignorantes et méchantes ». Sur le sujet de la maternité, elle déclara : « Il n’y a rien de plus ennuyeux pour une femme intelligente que de perdre un temps infini avec des enfants en bas âge. J’aurais fini en alcoolique ou en intellectuelle frustrée comme ma mère », en même temps qu’elle affirma que d’élever un enfant l’a sauvée, lui évitant de dériver dans une vie anarchique.

Refusant toute étiquette, Doris Lessing ne s’embarasse d’aucune définition et n’appartient à e catégorie. Elle a été et restera l’estimable femme de lettres qu’elle fût.  

Photo : Keystone

L’OrientLeJour

SvenskaAkademien

LeFigaro

[email protected]

Publicité