Mort d’André Schiffrin

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Né à Paris en 1935, l’éditeur André Schiffrin y est mort ce 1er décembre d’un cancer du pancréas à l’âge de 78 ans. Il part avec sa famille aux États-Unis en 1941 pour fuir le régime nazi. Son père, Jacques Schiffrin, est le fondateur des éditions de La Pléiade, maintenant une collection prestigieuse chez Gallimard. Mais comme les éditions Gallimard se soumettent aux commandements du régime nazi pour continuer à publier, elles renvoient Schiffrin père qui a des origines juives. C’est André Gide qui aidera les Schiffrin à quitter l’Europe pour l’Amérique.

Sous l’influence paternelle, André Schiffrin deviendra un éditeur très important qui a fait connaître de grands auteurs aux Américains, dont Jean-Paul Sartre, Claude Simon, Jean Echenoz, Michel Foucault, Marguerite Duras, Noam Chomsky. À partir de 1962, il dirige la maison Pantheon Books, d’ailleurs, fondée par son père, dont il finit par être congédié en 1990, ayant des visions différentes d’avec les décideurs qui priorisent selon lui la rentabilité au détriment de la qualité. André Schiffrin a d’ailleurs milité farouchement pour conserver la diversité des littératures.

(…) les livres sont vendus par des commerciaux et non par des libraires et les règles qui s’appliquent aux lessives et aux chaussettes sont étendues aux livres et aux disques. Peut-être verra-t-on bientôt des éditeurs louer des espaces dans les grandes surfaces, comme Chanel et Dior dans les grands magasins du monde entier. La sauvegarde des libraires indépendants est un impératif, explique-t-il dans Le contrôle de la parole. Le sujet ne peut pas être plus actuel.

À la suite de son départ chez Pantheon Books, il créé en 1991 The New Press qui n’hésite pas à publier des auteurs tels que Patrick Chamoiseau ou Eric Hobsbawn, une maison d’édition qui est d’ailleurs sans but lucratif. Il publiera trois essais sur le sujet de la marchandisation de la littérature : L’édition sans éditeurs, Le contrôle de la parole et L’argent et les mots. En 2007, il publie Allers-retours, une autobiographie qui raconte le chemin parcouru par sa famille et d’autres vies extraordinaires croisées, comme celles d’Aldous Huxley, Alfred Nobel, André Malraux, Hannah Arendt. Quand les grands esprits se rencontrent.

Avec le départ d’André Schiffrin, c’est le deuil d’une intégrité éditoriale peu commune que le monde du livre doit faire.

Photographie d’André Schiffrin: Henri Zerdoun

LeDevoir

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