Hommage à Laurent Laplante, l’homme livresque

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Je n’ai pas connu Laurent Laplante à l’époque où il était rédacteur en chef et éditorialiste au Devoir, à l’Action, au Jour, au Droit et au Soleil, où il confrontait parfois certaines politiques éditoriales, où il assumait haut et fort des idées qui en dérangeaient certains. Je n’ai pas connu Laurent Laplante lorsqu’il a reçu les honneurs du Prix Olivar-Asselin, pour avoir, en tant que journaliste, participé à la défense du français au Québec, le Prix Genève-Montréal pour son essai Pour en finir avec l’olympisme ou celui de Saint-Pacôme, pour son roman policier Des clés en trop, un doigt en moins.

Mais j’ai connu – et beaucoup apprécié – Laurent Laplante, cet homme charmant, hautement poli et respectueux. À quelques reprises, j’ai eu la chance de serrer sa main, meurtrie d’arthrite, de voir ses yeux briller de malice lorsqu’il parlait de livres et d’idées. Le monde des idées était décidément un univers dans lequel il pataugeait à sa guise. Il y contribuait avec un regard tellement précis, juste – et dur s’il le fallait. J’ai connu Laurent Laplante comme un grand essayiste avide de connaissances, à travers la vingtaine de titres qu’il a publié sur une multitude de sujets, allant de la politique aux médias, de la démocratie au suicide. Chaque fois, une langue impeccable, des idées franches et assumées. 

J’ai connu Laurent Laplante comme collaborateur dévoué, d’une ponctualité à faire rougir tout pigiste, qui, depuis presque quinze ans, écrivait à tous les deux mois un billet éclairant pour la revue Les libraires. Pendant ces années, il a partagé à nos lecteurs une critique affûtée des pouvoirs en place, du devoir moral de chacun envers une plus grande justice sociale. Toujours, il affirmait haut et fort la nécessaire place de la littérature au cœur de la société.

J’ai connu Laurent Laplante comme un amoureux des mots, des idées claires et pertinentes, mais également comme un amoureux fou de sa femme dont il me disait grand bien, de l’art cinématographique, de la ville de Paris qu’il visitait le plus souvent possible. Un homme curieux, érudit, qui savait lier art et idées. Un grand homme, qui nous manquera.

C’est hier, 15 mars, que Laurent Laplante s’est éteint, à l’Hôtel-Dieu de Lévis, à l’âge de 83 ans. Il a succombé à un foudroyant cancer du pancréas diagnostiqué fin janvier. La fulgurance de ce cancer le força à demander l’aide médicale à mourir – option qu’il a défendu sur maintes tribunes. Avant de nous quitter, il a d’ailleurs signé une lettre posthume, publiée dans Le Devoir, dans laquelle il demande des améliorations sur la loi concernant justement l’aide médicale à mourir. On peut lire ladite lettre ici.

La dernière chronique de Laurent Laplante paraîtra entre nos pages le 5 avril prochain, à titre posthume. Avec émotions, nous relisons aujourd’hui les mots qu’il vous servira sous peu, ces mots qui rassemblent l’analyste australien John Pilger, la romancière québécoise Catherine Mavrikakis et le penseur libanais Khalil Gibran.

* * *

 

Nous nous ennuierons de la plume de Laurent Laplante, qui méditait ses lectures entre nos pages depuis les années 2000. C’est donc près de 100 chroniques qu’il aura signées au fil des années. Toujours, il nous aura séduit par sa rigueur, son amour profond de la réflexion et son regard avisé sur la société. Pour lui rendre hommage, nous vous proposons dix citations marquantes parues entre nos pages. Nous vous encourageons à relire ces chroniques, essentielles.

Tiré de : Le combat pour la diversité 
Publié en septembre 2001

 « La diversité culturelle s’épanouit lorsque le personnel d’une librairie joue pleinement son rôle d’interface entre le livre et le lecteur, quand le bouquineur trouve à qui confier ses préférences et ses rêves, lorsque disparaissent du plancher d’une librairie les vendeuses et les vendeurs et que la lectrice ou le lecteur est mis en contact avec des gens qui l’ont précédé dans le plaisir littéraire. »
http://revue.leslibraires.ca/chroniques/sur-le-livre/le-combat-pour-la-diversite 

 

Tiré de : Monter au front
Publié en mars 2003

 « Mais le livre coûte cher, dira-t-on. Moins qu’un quotidien consacré aux potins. Moins que les mirages de Loto-Québec. Moins que l’abonnement aux canaux inutiles du câble. Moins que la substitution d’un 4X4 polluant à une voiture civilisée. Mais le livre, c’est vrai, peut coûter presque aussi cher que l’ignorance. »
http://revue.leslibraires.ca/chroniques/sur-le-livre/monter-au-front

 

Tiré de : Vive l’essai LIBRE!
Publié en novembre 2003

 « C’est, me semble-t-il, au moment où l’essai serait le plus nécessaire qu’il éprouve le plus de difficultés à obtenir sa part des ventes, sa ration de critiques, une influence suffisante dans le débat public. L’essai compenserait l’homogénéisation qui gomme les différences entre les médias et redonnerait sa profondeur à une information qu’emporte le spectacle et qui divertit plus qu’elle ne renseigne. »
http://revue.leslibraires.ca/chroniques/sur-le-livre/vive-l-essai-libre 


Le livre : boulet ou oxygène?
Publié en octobre 2004

« Quand on l’utilise au soutien du fanatisme, de l’exclusion religieuse ou raciale, du rejet des progrès scientifiques, le livre répand un obscurantisme massif et meurtrier. Leibnitz, je crois, le disait : « Je crains l’homme d’un seul livre. » Quand, au contraire, le livre diffuse l’information et la pensée dans toute la diversité souhaitable, il donne à la démocratie son plus sûr fondement. Quand des campagnes électorales se terminent sans parler du livre et que des radios dites. »
http://revue.leslibraires.ca/chroniques/sur-le-livre/le-livre-boulet-ou-oxygene

 

Tiré de : Amnésie et/ou paresse?
Publié en septembre 2005

« Un peuple a besoin de mythes et de symboles, de lecture et de recherche, d’un lieu de recherche et d’innombrables foyers de conscience. À quand la distribution massive de L’Homme rapaillé, de Menaud, maître-draveur ou, parce que cela aussi nous appartient, de L’Odyssée? »
http://revue.leslibraires.ca/chroniques/sur-le-livre/amnesie-et-ou-paresse 

 

Tiré de : Et l’autre souffrance?
Publié en septembre 2013

 « Il s’agit de constater que la souffrance physique n’est pas la seule circonstance qui rende la mort préférable à la vie et que plusieurs humains souhaiteraient une aide pour mourir à leur heure. Il s’agit aussi de constater que ce n’est pas nécessairement parmi les médecins et les avocats que nous trouverons les guides de morale et de psychologie les plus qualifiés. Notre société pose un geste de maturité chaque fois qu’elle permet une nouvelle expansion de la liberté individuelle. En se penchant sur la fin de la vie, elle s’est approchée d’une attitude respectueuse face aux choix de personnes libres; il lui reste à comprendre que l’autre souffrance mérite elle aussi le plein respect et qu’il faudra d’autres compagnons de route pour la bien évaluer. Heureusement, la littérature offre ses réflexions éthiques même aux professionnels. »
http://revue.leslibraires.ca/chroniques/sur-le-livre/et-l-autre-souffrance

 

Tiré de : Un essai… pour vivre
Publié en septembre 2014

« Sans essais, l’analyse et la réflexion s’absentent. Sans lecteurs et lectrices d’essais, il y a des tas de consommateurs, des phalanges de téléphages et des monceaux de textos, mais ni société, ni citoyenneté, ni démocratie. On vote pour ou contre une charte dont nul n’a besoin ou par peur d’un référendum dont personne ne veut, puis on se rendort pour quatre ans. »
http://revue.leslibraires.ca/chroniques/sur-le-livre/un-essai-pour-vivre

 

Tiré de : Mais où sont les fièvres d’antan
Publié en décembre 2015

« Survenant après neiges et lunes, notre aujourd’hui pourrait s’interroger : mais où sont les fièvres d’antan? Vivons-nous, privés de substance politique et sevrés de générosité sociale, un siècle charlatan, une époque réfractaire à l’ardeur, un temps où la raillerie guette quiconque ose penser large? »
http://revue.leslibraires.ca/chroniques/sur-le-livre/mais-ou-sont-les-fievres-d-antan

 

Tiré de : Le conte qu’espère l’enfant
Publié en avril 2016

« D’un colloque tenu à Québec il y a des lustres (Le livre et l’enfant), j’ai retenu ceci : lire des contes aux enfants, c’est leur faire cadeau d’une autre langue, d’une langue différente des bouts de phrase utilitaires par lesquelles les adultes encadrent l’existence des petits, d’une langue vidée des « Fais attention! », « Ne touche pas! », « Mets ta tuque! ». Lire des contes aux enfants, c’est les emmener dans le dernier refuge des phrases complètes. Simplement prononcer les mots magiques « Il était une fois… », c’est les disposer au rêve. Peut-être les enfants bercés de contes lus à haute voix verseront-ils dans le sommeil sans ces pilules dont, paraît-il, on les abrutit parfois. »
http://revue.leslibraires.ca/chroniques/sur-le-livre/le-conte-qu-espere-l-enfant

 

Tiré de : Lire les demi-lus
Publié en octobre 2016

« À notre insu, plusieurs grands textes littéraires ne font qu’à demi partie de notre bagage culturel. Oui, nous avons ingurgité un aperçu de ces grands récits à l’âge de 8, 10 ou 12 ans, mais si nous n’avons jamais dépassé cette demi-lecture, leur vrai potentiel nous échappe encore. »
http://revue.leslibraires.ca/chroniques/sur-le-livre/lire-les-demi-lus

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