Décès de l’éditeur Maurice Nadeau

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C’est effectivement Une vie en littérature, pour reprendre le titre d’un de ses livres, que Maurice Nadeau aura vécue, mort hier à l’âge de 102 ans. Et il avait le flair pour découvrir de nouveaux écrivains, dont beaucoup ne sont aujourd’hui plus à présenter : Claude Simon, Thomas Bernhard, Malcolm Lowry, Georges Perec, Maurice Bataille, Roland Barthes, Nathalie Sarraute, Henry Miller, Witold Gombrowicz, J.M.Coetzee, Michel Houellebecq. Et encore, ce n’est qu’une liste sommaire. Il avait un plaisir fou à les repérer et à les faire connaître au monde, à la suite de quoi il disait : « Et après, qu’ils se débrouillent ». Souvent contre vents et marées, ce fieffé défenseur de la littérature a toujours écouté ce que son cœur lui dictait, au détriment de la finance, ce qui avait pour conséquences de faire damner tous les directeurs des maisons d’éditions où il était employé.

Engagé aussi politiquement, Maurice Nadeau sera un fervent trotskiste qui soutenait la cause des prolétaires. Dans le journal Le Monde, on exprime bien la teneur de Nadeau en ce sens : « De la littérature, le trotskiste Nadeau n’attend jamais la conformité idéologique mais cherche la singularité du regard, l’implication folle et totale d’un écrivain dans son monde, dans le monde ». Pour ça, il regrettera toujours de n’avoir pas publié Beckett, dont il a pourtant parlé le premier, et décidera dorénavant de toujours être congénère de ses convictions.

Il se promène de maison en maison, Julliard, Denoël, puis enfin, Maurice Nadeau, la sienne propre qu’il fonde en 1979 et où il travaillait encore à l’heure de sa mort. Il écrit lui-même quelques livres, le premier concernant le surréalisme (Histoire du surréalisme, 1945) dont il est un fier participant puisque par le langage, ce mouvement souhaite aussi la révolution.

 Il fonde en 1966 la revue La Quinzaine littéraire, qu’il aime et chouchoute jusqu’à ses derniers jours. En 2008, il perd sa grande amie et collaboratrice à la revue Anne Sarraute, fille de Nathalie, décédée de maladie. Il dit alors: « Subir ça à 97 ans, mince ! J’en ai pris un vieux coup ». Il poursuit donc de plus belle sa mission avec entrevues d’écrivains, articles de fond, analyses et critiques littéraires. Nadeau est passionné par ce travail qui lui permet de lire, écrire et recevoir les écrivains. Après s’être amusé au découpage, au collage et à la mise en page, il reste aux aguets de l’imprimerie, chaque fois nourri par ce sentiment de joie d’arriver à partager la cause littéraire.

Ce sera un de ses derniers exploits, sauver tout juste sa revue de la faillite. Jusqu’à la fin, l’instinct et le cœur auront eu raison et l’homme pu partir en paix.

Source : Le Monde 

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