Soulières éditeur : 20 ans à faire lire la jeunesse

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Soulières éditeur a réussi à s’imposer dans le paysage de la littérature jeunesse et plusieurs de ses livres figurent dans les listes d’incontournables de ce genre. Voici vingt ans qu’il fait des siennes dans le beau monde de l’édition québécoise avec comme résultat quelque 330 titres à son catalogue. Ne manquant surtout pas d’humour, Robert Soulières et Colombe Labonté, les humains derrière la bannière, sont aussi portés par une passion qui ne semble pas être à la veille de s’étioler. L’homme qui donne son nom à la maison a accepté de répondre à nos questions.

Pouvez-vous nous raconter la petite histoire, devenue grande, de la maison d’édition Soulières?
J’ai travaillé près de dix ans aux éditions Pierre Tisseyre, et c’est là où j’ai véritablement appris mon métier d’éditeur. À la mort de son fondateur, je sentais que ce n’était plus pareil et au lieu de me braquer avec la nouvelle direction, j’ai décidé de fonder (à 46 ans) Soulières éditeur avec ma copine Colombe Labonté, qui avait été libraire et qui avait travaillé quelques années à Communication jeunesse. Notre maxime à l’époque était et demeure toujours : Small is beautiful.

Pourquoi avez-vous décidé de vous consacrer à la littérature jeunesse?
C’est un peu beaucoup la littérature pour la jeunesse qui nous choisit… Comme j’écrivais pour la jeunesse depuis un bon bout de temps, le choix a été naturel même si j’ai édité chez Tisseyre plus de cinquante romans pour adultes. Colombe Labonté avait aussi le même penchant très fort pour la littérature pour la jeunesse.

Quels sont les plus grands défis d’une maison d’édition spécialisée comme la vôtre?
En 1986, le marché était moins achalandé par contre, mais le plus grand défi demeure encore et toujours d’être près des jeunes lecteurs. Leur offrir ce qu’ils recherchent certes, mais aussi les déstabiliser avec la poésie, les grands classiques que nous avons publiés en coédition avec La Bagnole, le documentaire et notre série de biographies romancées consacrée uniquement aux femmes qui ont façonné et changé le monde à leur manière. Par ailleurs, comme nous ne faisons plus de rencontres dans les écoles, nous échangeons régulièrement avec nos auteurs et nos représentants pédagogiques chez ADP pour vérifier les intérêts des jeunes, ce qui change, ce qui reste, mais, peu importe l’époque, un jeune vit toujours les mêmes préoccupations et se questionne toujours sur les grands axes de la Vie : la vie, l’amour, la mort, l’identité sexuelle, tout ça ne change pas.

À quoi attribuez-vous son succès et sa pérennité?
Certaines maisons connaissent plus de succès que nous et sont plus pérennes que nous… mais il faut un équilibre entre le sens littéraire et le sens des affaires. C’est un métier qui ne va pas l’un sans l’autre si on veut rester ouvert et se permettre en même temps quelques folies littéraires ou des idées promotionnelles originales. Chacun prend  et occupe la niche qui lui convient. Nous sommes devenus, au fil du temps, un éditeur plus littéraire que commercial et nous sommes bien à l’aise avec notre choix qui s’est façonné au fil du temps. Publier peu et publier mieux est aussi notre façon de faire, même si on ne réussit pas toujours.

À quoi on reconnaît un bon texte pour la jeunesse?
À l’émotion. À l’originalité. Si ça nous touche comme adultes, il y a de fortes chances que ça plaise au jeune lecteur. Regardez les films, par exemple, que ce soit des films d’animation ou un long métrage comme La guerre des tuques, ils plaisent à tous les publics selon différents niveaux.

Qu’est-ce qui vous rend le plus fier de vos années d’éditeur?
De fêter nos vingt ans alors que certains nous donnaient à peine un an ou deux et de voir qu’il reste encore beaucoup à faire et que ce métier est encore et toujours une passion. Nos auteurs aussi nous rendent fiers lorsqu’ils gagnent des prix littéraires, ça rejaillit aussi sur nous. Parfois, on a l’impression qu’ils écrivent un peu pour nous, en pensant à nous et qu’ils se surpassent pour nous faire plaisir…

Avez-vous des regrets?
Non, nous n’avons pas le temps ah! Le seul regret que nous pourrions avoir c’est de constater qu’il y a des livres, de véritables petits trésors littéraires qui n’atteignent pas leur public et dont les ventes demeurent faméliques. Le choix est vaste et ce qui pourrait plaire ne trouve malheureusement pas toujours son lecteur. Mais au moins, le livre est là, il existe et on peut le trouver en bibliothèques.

Vous n’êtes pas seulement éditeur, vous êtes auteur aussi. Comment arrivez-vous à concilier les deux? Vous ne pouviez pas choisir entre l’un et l’autre?
C’est une question qu’on me pose régulièrement. Je ne vois pas de problème, mais là aucun problème à concilier les deux. J’ai écrit une foule de petits textes scolaires et plus d’une vingtaine d’albums chez mes collègues éditeurs et je vois qu’on fait très bien la différence entre l’auteur et l’éditeur. Comme nous ne produisons pas d’albums, il est donc naturel que je les publie ailleurs. Le choix d’être éditeur et /ou auteur ne s’est jamais posé. D’autres exemples existent aussi : Pierre Filion (Leméac), Robert Giroux (Triptyque), Gaston Miron (L’Hexagone), Jennifer Tremblay (La Bagnole) et plusieurs autres que j’oublie…

Pouvez-vous nous confier un ou deux moments qui font partie de vos plus beaux souvenirs?
Ce ne sont pas des souvenirs en tant que tels, mais le fait d’avoir proposé à nos auteurs le meilleur contrat en ville compte parmi nos réalisations majeures. Offrir les meilleures conditions économiques et contractuelles à nos créateurs était important pour nous. Par ailleurs, nous faisons affaire avec le même imprimeur depuis vingt ans, (Marquis imprimeur), la même graphiste (Annie), la même correctrice et la même réviseure (Christiane et Francine), la même firme de comptables (Allard, Matte) et le même metteur en pages (Nando). Nous avons été fidèles à tous ces gens et cette fidélité ne nous a pas empêchés de nous renouveler sans cesse avec eux et par eux. Avec eux, nous avons connu le changement dans la continuité!

Quel est le plus grand apprentissage que la lecture peut apporter aux enfants?
L’ouverture sur le monde! La compréhension du monde. La liberté de penser… et d’agir. Sans compter qu’on n’est jamais seul-e avec un livre. Donc, un formidable remède contre la solitude et l’ennui.

Étiez-vous vous-même un enfant lecteur?
J’ai été un enfant lecteur grâce à une tante enseignante qui me refilait régulièrement des bandes dessinées. Je n’ai jamais vu mes parents avec un livre dans les mains et il n’y avait pas de livres à la maison. Étrange tout de même! C’est l’école qui s’est admirablement occupée de ce volet culturel. Quant à Colombe Labonté, elle a appris à lire sur les genoux de son père et très très jeune les livres sont devenus son refuge privilégié. Une de ses tantes a aussi été déterminante dans son éducation culturelle.

 

 

Colombe Labonté & Robert Soulières, décembre 2016

Site de Soulières éditeur.

En complément, pour découvrir l’humour intarissable de cet éditeur, une vidéo culinaire et littéraire : ici

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